samedi 27 décembre 2014

Sur les flots du Mekong

Navigation fluviale

Sortis enfin des mechantes pistes laotiennes, nous decidons d'accorder un peu de repos a notre monture en rejoignant Luang Prabang par le Mekong dans une peniche. Ce fleuve, un des plus grands d'Asie, prend sa source au Tibet, traverse le Laos dont il constitue une grande partie des fontieres (Laos/Birmanie puis Laos/Thailande), coupe le Cambodge en deux puis termine au Vietnam, pres de la fameuse Ho Chi Minh. Notre navigation n'en suit qu'une centaine de kilometres et s'ecoule au rythme paisible des flots. Nous passons entre de petits villages sur pilotis, collines et bouquets de bambous, croisant de temps a autre une de ces longues barques laotiennes en bois, terriblement instables (1) et propulsees par un moteur ou une perche en bambou .

 
Le tandem est tout simplement charge sur le toit. Nous esperons que le bateau ne tanguera pas trop.
La position de repos asiatique a laquelle nous commencons a nous habituer: bien pratique lorsqu'on voyage sans chaise 
Un des nombreux temples bouddhistes de Luang Prabang. Les phenix du faitage remplacent les dragons chinois

Luang Prabang

Accostant a le soir Luang Prabang, nous restons quelques jours pour visiter cette ville classee sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Etrange cite ou coabitent, entre les dizaines de temples, touristes asiatiques ou occidentaux en shorts et moines en robe safran. Nous y rencontrons deux cyclistes anglais Jacob and Russel partis de chez eux un an avant nous et Eneko, un basque descendant l'Asie en un mois. Ce joyeux trio nous propose faire route ensemble et nous demarrons un matin tous les 5 vers le sud en direction de la capitale.  

Marche de nuit de Luang Prabang qui propose de genereux buffets pour 15000 kips (1.5eur).
Echopes de legumes ou nous passons a nuit. Les marchands dorment aussi sur place pour surveiller les marchandises.
Les echoppes proposent de surprenants gibiers: rats, mais aussi ecureuils, et meme chauve-souris vendues par bouquets de 10.

Les dernieres montagnes

La route vers Vientiane traverse encore quelques collines escarpees et reste etonnamment sauvage pour l'artere principale du pays. Les quelques cols que nous gravissons dans la constante brume matinale (2)  nous offrent de magnifiques mers de nuages. Les journees passees en agreables discussions avec nos comperes s'ecoulent vite. Mais quelques avaries viennent troubler cette quietude: d'abord nos pneus Schwalbe Marathon, censes durer 10 000 km, commencent a donner des signes de faiblesses. Quand le pneu avant, deja recousu, se dechire dans une montee, miracle! Eneko sort un pneu neuf de rechange. Mais la tringle du pneu arriere se rompt  le lendemain (3) et ce dernier commence a dejanter de maniere chronique jusqu'a nous immobiliser sur le bord de la route en haut de la derniere descente. Plus de rechange, nos comperes doivent nous abandonner  et nous nous resignons a l'auto-stop. Peu apres, un 4x4 nous embarque dans sa benne et demarre en trombe. Nous traversons de paisibles villages en rugissant et en soulevant des nuages de poussiere . A l'arriere, le velo saute en tous sens et nous le retenons d'une main tandis que nous tachons de rester a bord de  l'autre. Apres une heure d'enfer, le genereux chauffard nous pose dans la prochaine ville ou un couple de francais en camping-car nous propose son aide. Et peu apres nous faisons l'acquisition d'un magnifique pneu thailandais pour 4 dollards. Le compteur affiche alors 9999 km. Schwalbe a failli a sa reputation!

Nos quatre tentes, a l'abri de la rosee matinale sous un auvent.
Le fameux cap des 10 000, au dela duquel commencent les ennuis mecaniques parait-il...
Justement: Marlene demonte la cassette devant nos anglais perplexes.

L'age ingrat

Mais ce n'est pas tout. Depuis l'entree au Laos les rayons de notre roue chinoise, pourtant neuve, cassent en serie. Un pepin inedit lors des 9000 premiers km. Apres notre depart de Luang Prabang, le rythme augmente pour se stabiliser a 2 rayons par jour. Si cela nous apprend a demonter et remonter cassette et disque en un temps record, nous voyons  fondre avec inquietude notre reserve de rayons de rechange, d'autant plus que nous n'avons encore rencontre aucun magasin de velo au Laos. Nous parvenons heureusement a refaire un plein de 30 rayons (15 jours) a Vientiane, ce qui devrait nous permettre si Dieu le veut de rallier Bangkok a 1200 km de la.

Derriere Vientiane s'etend une plaine a l'infini: nous sortons des contreforts de l'Himalaya pour entrer dans la peninsule sud-est asiatique. Altitude: 200m. L'entree en Thailande nous offre le passage de frontiere le plus rapide du voyage: pas de visa, ni fouilles, ni questions, un simple tampon atteste de notre arrivee. Premiere surprise: en traversant le pont de l'amitie Laos/Thailande, un camion nous fonce dessus, puis un deuxieme. Nous apprenons ainsi que la Thalande roule a gauche! Puis la route s'elargit considerablement, tout comme le traffic. Nous roulons a vive allure, a plat sur un bitume impeccable.

Premier jour en Thailande: une automobiliste nous offre un regime entier de bananes... a la grande joie de nos amis!
Une route secondaire thailandaise, dont seuls les temples ou les buffles d'eau viennent troubler la monotonie..
Un des innombrables temples qui bordent notre route.

Premiers tours de roue en Thailande

Des les premiers kilometres, un accueil chaleureux se fait sentir: saluts des automobilistes, pouces leves, larges sourires. On se croirait en Asie Centrale. Les plus petites inscriptions sur la carte cachent de grandes villes au traffic dense, aux grands supermarches. Apres la vie rurale du Laos, ce nouveau decor est un choc. Cette agitation n'a pourtant rien d'oppressant et les temples nous offrent de paisibles refuges pour la nuit.
Un soir que nous demandons l'hospitalite dans un petit temple, l'unique moine nous propose une salle pour dormir - au pretexte qu'il fait froid la nuit :-)- puis nous invite a diner. Les fideles du villages nous apportent alors de delicieux plats au lait de coco, puis recommencent pour le petit dejeuner. Le maitre des lieux nous conviera ensuite a une ceremonie au cours de laquelle il benira chacun d'entre nous pour la suite du voyage. Nous quittons ce temple plein de gratitude et emus. Une telle generosite nous plonge dans une reverie que viendra interrompre le claquement sec d'un rayon :-).

la cuisine thaie n'est pas qu'a base de lait de coco... Au centre, les larves de ver a soie que l'on mange apres avoir recupere le concon (de soie).
Encore un temple...
Horreur, les cafards ont envahi le riz! Pas d'affolement, il s'agit de l'accompagnement. Frits, ces arthropodes ont un delicieux gout de crevette.

La course au Cambodge

Separes d'Eneko, notre cycliste basque, nous prevoyons de le rejoindre le jour de Noel a Siem Reap au Cambodge. Sept cents kilometres nous en separent alors et nous n'avons que 6 jours pour les parcourir. Un rythme de 120 km par jour est decide, au grand dam de nos comperes anglais qui nous abandonnent pour Bangkok apres trois jours de route commune.
Parviendrons nous a tenir ce rythme effreine pour arriver a temps au Cambodge? La reserve de rayons sera t-elle suffisante pour parcourir une telle distance? Le pneu thailandais resistera t-il?  Toutes ces questions palpitantes seront elucidees, amis lecteurs, dans le prochain article!

(1) Nous en avons fait la malheureuse experience lors de notre sejour dans le village de Soptod!
(2) Depuis le sud du Yunnan, les matinees demarrent systematiquement par une epaisse brume qu'un soleil intense dissipe en debut d'apres midi.C'est alors LE moment pour faire secher les affaires!
(3) Apres avoir perce plusieurs fois la chambre a air...

vendredi 12 décembre 2014

Le pays du million d'elephants


Premieres impressions:

Si l'entree en Chine fut penible, la sortie en est singulierement rapide. Cote Laos, le visa est realise en 5 moyennant 32 dollards chacun, nous n'ouvrons pas meme un sac. Passee la frontiere, la densite d'habitations et de cultures diminue radicalement pour laisser place a des collines sauvages aux allures de jungle d'ou emergent de grands arbres couverts de lianes et d'epiphytes a cote de bananiers poussant en grappes. Le long de la route, des papayers couverts de fruits, des hameaux d'habitations en bois sur pilotis ou courent des ribambelles d'enfants culs nus rappellent le Nicaragua. Mais surtout, apres deux mois en Chine, nous redecouvrons un plaisir simple: celui de rouler dans la nature en ecoutant le chant des grillons. A chaque coup de pedale qui nous eloigne des files de camions tonitruants, des mines de charbon a ciel ouvert ou des chantiers de gratte-ciel, nous savourons comme une delivrance chaque bouffee de ce nouvel air pur. Nous voici au Laos, ce petit pays d'environ 7 millions d'habitants, pourtant riche de la diversite de ses 49 differentes ethnies, chacune avec ses costumes, ses traditions et parfois sa langue propre.


La preuve que nous sommes arrives a pied par la Chine!
Premiers paysages apres la frontiere: Grandes rizieres et greniers sur pilotis
Nouveautes culinaires au marche de Luang Namta: nouilles molles de riz et boules de viande hachee geantes

Luang Namtha

Capitale de region, Luang Namtha ressemble plutot a un gros village au centre tres touristique ou des dizaines de chambres d'hotes remplissent la rue principale, chacune proposant des excursions aventure a pied , en vtt ou en canoe. Nous sommes surpris de croiser bon nombre de touristes occidentaux, espece presque absente sur notre parcours en Chine. Un cafe internet nous permet en outre de redecouvrir les possibilites de ce merveilleux outil (et envoyer le dernier article)! Enfin, nos debuts hesitants en Lao sont facilites par une pratique assez generalisee de l'anglais (1).
Attires par une offre redigee sur tableau noir, nous apprenons l'existence d'un (tres) jeune projet recherchant des volontaires pour realiser des cours d'anglais, construire une maison et planter un jardin dans un village voisin. Apres une longue discussion avec le responsable, nous decidons d'y consacrer une semaine malgre son apparence chaotique.  

Changement du troisieme rayon depuis la frontiere!
Nettoyage du filtre du captage d'eau du village, encrasse par des racines.
La riviere qui sert de salle de bain est quand meme assez fraiche!

Une semaine a Soptod

Nous rejoignons a velo le village Yao Mun  de Soptod, situe sur une piste a une vingtaine de kilometres de Luang Namtha. Au bord d'une large riviere boueuse ou jouent des enfants tous nus, une dizaine d'habitations sur pilotis aux toits de chaume ou de tole ondulee apparaissent. Des cochons noirs font la sieste sur la terre battue, chiens maigres et poules se disputent quelques dechets qui jonchent le sol. Nous apprenons la situation critique du village: depuis une dizaine d'annees, une societe chinoise a enserre le village dans une plantation d'heveas de grande envergure, obligeant les habitants a deplacer leurs champs de riz a trois heures de marche de la, ou ils doivent dormir en semaine, ce qui explique la vacuite du village. Les heveas sont en outre accuses d'avoir tari l'unique source d'eau -on nous repete que "les chinois nous ont pris l'eau"- depuis plusieurs annees les habitants (2) font la queue a la fontaine d'ou s'echappe un mince filet d'eau. Peu convaincus par les projets de construction de maison des volontaires (3), nous decidons de nous consacrer au plus urgent et, guides par quelques villageois, nous gagnons le captage d'eau situe a une demie heure de marche dans la jungle. La cause de la penurie d'eau se revele etre un tuyau brise et obstrue par des racines. Apres nettoyage et remplacement, l'eau reafflue dans le village!

La peche a ete bonne: nous ramenons en moto une parabole de 1.7m de diametre!
Etape suivante: casser les miroirs en petits morceaux, puis les arranger et les coller: une mission pour la reine des puzzles!
Premiers essais concluants. Le four parvient a enflammer du bois en quelques secondes avec a peine un tiers de la puissance!

Quelques bricolages

Nous nous consacrons ensuite a la construction d'un four a concentration solaire en recyclant un materiau largement abondant ici: l'antenne parabolique. Enfin, la decharge de Luang Namtha nous fournit les bidons necessaires a la realisation d'un rechaud a bois a double combustion: oui, la version familiale de notre bushcooker! Ces deux instruments de cuisine sont d'abord destines a diminuer la consommation de bois des volontaires successifs du projets, mais nous revons bien sur de voir ces prototypes duppliques (4)... Nous quittons en bout d'une semaine ce village fantome ou l'eau coule a nouveau mais qui n'a pas fini de lutter pour survivre.

Le rechaud a double combustion fonctionne au dela de nos attentes: c'est presque un peu chaud pour cuisiner :-)
Notre principal regime (alimentaire) depuis le Yunnan.
Cuisine traditionnelle du Laos: soupe de nouilles accompagnee de salades diverses, cuites et crues.

Du risque de dessiner ses propres routes au stylo

Nous continuons la piste vers le sud, en suivant un trait dessine au stylo sur notre carte par un habitant de Soptod. Celle-ci doit nous mener jusqu'aux bords du Mekong quelques 200 km plus bas. Nous passerons 4 jours a lutter sous un soleil de plomb sur une piste qui alterne les raidillons severes (5) et les plongees brutales que nous devalons au ralenti en zigzagant dans les cailloux. Ce regime enrichi en secousses sollicite durement nos pneus. L'avant se dechire partiellement sur une pierre et l'arriere finit par dejanter: il laisse eclater la chambre a air comme un coup de feu qui nous saisit en descente. Les fameux Schwalbe Marathon sont concus pour durer 10 000 km et nous nous en approchons... Nous esperons toutefois les faire encore durer.
Lors des quatre jours de piste, nous traverserons de nombreux villages Kmhmu, ce peuple du Laos specialise dans la vannerie. Les femmes coiffees d'un linge colore fument de longues pipes tombantes ou des cigares artisanaux bourres de tabac produit localement en tricotant des sacs de coton mailles. Lorsque nous nous y arretons, nous sommes rapidement entoures par une foule d'enfants ou d'adultes curieux qui nous observe en silence, riant lorsque Marlene leche son assiette ou qu'Olivier se frise la moustache. Puis cet itineraire insolite s'aplanit peu a peu et le goudron reapparait a notre grand soulagement. Nous atteignons la plaine du Mekong et ses habitants souriants qui accompagnent notre route de "Sabai Dee" (bonjour) joyeux.


Entree d'un village au sud de Luang Namta. Les maisons en bois sur pilotis rappellent fortement les communautes du Nicaragua.
Procession de porteuses de bois au petit matin. La piste alterne les mechants raidillons et les descentes brutales.
Vue de la suite de l'itineraire apres trois jours de piste: nous ne sommes pas encore sortis d'affaire!
(1) Par comparaison, nous avons rencontres seulement 5 personnes connaissant plus que deux mots d'anglais en 2 mois en Chine...
(2) Essentiellement les habitants restant dans le village: personnes agees et les enfants.
(3) Nous detectons le risque du projet de s' "autoalimenter" : l'essentiel des activites des volontaires commence a se tourner vers la preparation de l'arrivee de nouveaux volontaires au detriment des cours d'anglais...
(4) En Chine, des fours solaires a concentration bricoles se rencontrent regulierement...
(5) Les 1000 metres de denivelee sont quotidiennement passes au bout de 30 km.

vendredi 28 novembre 2014

Au bord de l'Empire du Milieu

Mecanique

Voici donc le denouement du dernier episode: La reparation du velo dans le seul magasin de la ville nous demandera beaucoup de discussions et d'attente dans l'atelier. Le reparateur de velo est sympathique mais la communication est difficile. Alors que rien ne semble possible (1), nous finirons a force d'acharnement par exhumer de l'arriere boutique une jante puis un moyeu de 32 rayons (au lieu de 36), puis une cassette 9 vitesses, puis un pedalier 44 dents (au lieu de 48) et nous pourrons enfin repartir apres 4 jours de bataille avec une transmission et une roue arriere neuve. 


Le reparateur, fier du travail accompli et le tandem flambant neuf.
Les rues et boutiques de la nouvelle ancienne Lidjiang...
Le panneau resume la situation de la vieille ville "En construction, soyez patients!"


Naxiland 

Durant nos allers retours quotidiens entre notre auberge et l'atelier nous aurons l'occasion de visiter Lidjiang, consideree par le lonely planet comme la perle du Yunnan. Helas, comme pour Kashgar le centre historique a ete la proie des investisseurs hans pariant sur ce secteur en pleine expansion qu'est le tourisme interieur. Dans l'entousiasme chinois pour la modernite, les vieux batiments ont ete rases et remplaces par des repliques clinquantes abritant de monotones boutiques de bibelots, restaurants et des hotels au personnel han deguise en habits "locaux" - comme pour l'architecture, comprendre une version folklorique et commerciale de l'original. Lidjiang n'est plus qu'une triste galerie de boutiques identiques en carton pate bondee de touristes chinois, un vrai marche de noel avant l'heure. Notre visite de Dali, a quelques centaines de kilometres plus au sud, avec ses repliques neuves de portes monumentales et ses galeries marchandes, nous laissera les memes impressions negatives de parc d'attraction destine a ce tourisme chinois de divertissement qui n'a cure du patrimoine ou de l'histoire (2).


Vendeur ambulant de tofu
Par hygiene ou volonte de souder les equipes, les commerces obligent quotidiennement leurs employes a danser la zumba dans la rue...
Du Sichuan au Yunnan, partout on joue de l'argent. Les tables automatiques de majong fleurissent jusque dans les plus modestes arriere boutiques.

Le tigre qui saute la montagne du dragon de jade enneigee

Apres Lidjiang, notre route s'incurve vers le nord pour rejoindre les gorges du tigre qui saute, site nationalement repute. La petite route de montagne s'enroule autour du Mont Satseto, "la montagne enneigee du dragon de jade", un farouche pic rocheux coiffe d'un glacier culminant a presque 5600 metres, nous offrant un spectacle remarquable durant toute la boucle. Sur ce site frequente, un telepherique permettant d'atteindre 4500 m d'altitude propose de l'oxygene des 3000m! Apres quelques cols, nous nous enfoncons dans les fameuses gorges sur une petite route de corniche surplombant un abime ecumant et criblee d'impacts de blocs echappes des hautes parois qui la dominent. Le Yunnan abrite de nombreuses ethnies, ce qui se manifeste a travers la variete des coiffes et habits que nous rencontrons. Les femmes Naxis, peuple proche des tibetains, se reconnaissent notamment a leur blouse et beret bleus et une cape epaisse en forme de T protegeant la robe de l'usure du sac a dos en bambou utilise pour le marechage.



Un peage inattendu nous reclame 200 yuans pour acceder au premier site classe 5A de Chine (3) 
Un peu plus loin, un vrai beau paysage, gratuit celui la! La couverture grise est pierreuse.
L'entree des gorges demande de traverser la riviere par un bac, tout en bas sur la photo. Le chemin en terre est peniblement escalade par un camion-cochon.
Le peuple Naxi fonctionne sur un modele matriarchal qui confere autorite aux femmes agees. Signes exterieurs: celles-ci se retrouvent dans des lieux publics pour discuter et fumer et n'hesitent pas a nous aborder pour observer et commenter le tandem. Ce comportement est chose inedite de la part de femmes durant notre voyage, souvent plus timides et confinees dans les foyers. D'un maniere generale nous observons qu'en Chine les femmes sont presentes dans les administrations, la police, et meme -fait surprenant pour nous- dans les travaux publics ou on les voit manier la betoniere ou monter des parpaings, ce qui doit singulierement en changer l'ambiance!


Un village s'eleve sur un promontoire au milieu de l'immense vallee, creant un horizon grandiose.
Impressionnante coiffe traditionnelle. A quelle ethnie ce vetement appartient il?
Culture du riz sur fond d'eolienne. Deux facons de peupler le sol pour produire de l'energie. 

Cuisine

A l'approche de Dali, des echoppes vendant des pains singuliers sur le bord de la route attirent notre attention. Nous gouterons, savourerons puis observerons avec interet la fabrication des babas, une sorte de crepe levee fourree a la melasse de sucre ou aux legumes. La methode est encore une fois dument documentee pour une reproduction lors de notre retour en France. Depuis notre arrivee en Chine, la liste des delicieuses recettes s'allonge tant les plats et gateaux proposes sont divers et savoureux. La cuisine constituera incontestablement notre meilleur souvenir du pays.
Sechage des pates dans un marche 
Les delicieux babas, tous chauds sortis du four!
Cuisson des petits pains a la vapeur, consommes au petit dejeuner.

Les maudits camions chinois

La grosse route nous rattrappe en sortie des gorges, avec ses colonnes de camions qui nous depassent en nous assourdissant de leur klaxon et en nous crachant leur fumee noire au visage, ou des pick-up qui doublent dans les virages et jaillissent face a nous nous obligeant en brusques embardees dans le bas cote. Cette conduite ecervelee deplorable (4) apporte son lot inevitable d'accidents, nous trouvons regulierement autour des virages des debris de verre ou des camions dans le bas cote, l'avant enfonce par des collisions frontales. 

Apres quelques heures de pistes, pilotes et machine sont macules de projections.
Sortie en amoureux sans les enfants sacoches. Devant la porte sud de Dali. 
Centre ville de Dali. Memes boutiques de djembes et bibelots, meme foule. Seul le style des batiments construits 10 ans auparavant change de Lidjiang.

Le sud du Sichuan

Fatigues de cette cohue malodorante, nous accelerons notre sortie du pays par un bus jusqu'a Yongshong, ville a 500 km plus au sud et 1000m plus bas. La, l'architecture change radicalement et accuse l'influence du Laos: les toitures grises relevees ornees de dragons font place a des couvertures rouges aux frontons ornes de phenix dores. La temperature et l'humidite sont remontees, le climat change: aux etals des fruitiers apparaissent des noix de coco, mangues vertes et jacques: pas de doute, nous arrivons dans les contrees tropicales! 

Peinture d'un gros caillou a l'entree d'un village. Ces blocs font l'objet d'un veritable engoument de la part des municipalites, hotels et riches particuliers qui les multiplient a l'entree de leur domaine.  Des entreprises produisent meme de faux blocs arrondis a la disqueuse pour satisfaire la demande!




(1) Le magasin ne dispose pas de jante ni de moyeu a 36 rayons. On nous maintient en outre que les cassettes et chaines a 9 vitesses n'existent plus et sont introuvables et pour une raison mysterieuse, rien ne peut etre commande (le site du revendeur chinois doit etre censure :-)), idem pour les plateaux 46 dents, etc...

(2)... Et de la geographie, pourions nous ajouter. La plupart de nos hotes restent en general perplexes devant notre carte du monde: s'ils parviennent parfois (pas toujours) a situer la Chine, le reste du monde semble une nebuleuse. Une telle meconnaissance de la geographie est une situation nouvelle depuis notre depart. La question qui suit generalement enfonce le clou: "vous n'avez pas plutot une carte de Chine?".

(3)  En fait de site remarquable, il s'agira de terrasses en beton arrondies dans lesquelles s'ecoule une riviere de montagne, avec le mont Satseto en fond. Le panneau explicatif decrira le site comme une merveilleuse realisation d'embellissement d'un paysage par l'humain . Ce que nous appelons parc d'attraction fait ici l'objet de descriptions dithyrambiques: le secteur du tourisme chinois ne lasse pas de nous surprendre.

(4) Nous n'avons rencontre d'aussi mauvais conducteurs qu'en Ouzbekistan, mais ceux ci avaient l'excuse d'etre en general en etat d'ebriete...  Au rallye du conducteur le plus idiot, la Chine est donc favorite. 

dimanche 16 novembre 2014

Les bambous du Sichuan

16/11:Chers lecteur, les difficultés techniques pour accéder a internet se poursuivent (0), d’où l’austérité du présent article. Nous devrons attendre d'avoir atteint un pays civilise pour ajouter les photos...
28/11: voila qui est fait!

Arrivee a Chengdu
Sortis du Taklamakan, nous rejoignons la province du Sichuan en trois bus de nuit. Distance considerable, chaque bus couvrant une portion de route equivalent a 10 jours de velo. La progressivite de l'itineraire tant recherchee par le cyclovoyageur est alors brisee et nous passons brutalement des paysages desertiques de l'Asie Centrale a l'humidite tropicale et la vegetation exuberante de l'Asie du Sud Est  quelques 2500 km plus loin. Comme nous approchons de Chengdu, de riches jardins sortent de la brume, puis des grappes d'immeubles en construction qui marquent l'entree de la ville. La bulle immobiliere chinoise n'a manifestement pas encore creve et les projets poussent par quartiers entiers: dix mille habitants ici, cinq mille la...  Ici encore, les foules de velos de la Chine traditionnelle ont laisse place aux scooters electriques qui empruntent les pistes cyclables. Les nombreux ponchos et parapluies que portent les motocyclistes n'augurent rien de bon sur le climat de la region.

Premiers jardins en arrivant sur Chengdu
Les gros nounours du parc de Chengdu au moment du dejeuner. 
La bruine incessante nous force a sortir pour la premiere fois depuis l'Italie le materiel de pluie 


Les joies des climats tropicaux
La suite de notre itineraire prevoit de s'elever en direction du versant est du plateau tibetain ou l'on nous promet un aperçu de ce Tibet qui nous est interdit et une profusion de yacks. Pendant 4 jours nous suivrons des routes de montagne sinueuses sous une bruine intermittente au milieu  de forets luxuriantes de bambous s'effacant dans la brume. L'ambiance est fantastique! Mais le brouillard nous masque un pic a 7500m que nous longeons, et surtout ne permet pas a nos affaires humides de sécher la nuit. De plus, on ne verrait pas un yack a 50 mètres. Nous battrons donc en retraite vers le sud et, derrière un col que nous atteignons transis de froid et sous les flocons de neige, le climat change brutalement: les bambous et christophine pendantes en bord de route font place a des coniferes, vergers de cerisiers et néfliers... et le soleil reapparait bientot apres une semaine d'absence: nous sommes sortis de l'etuve!

Toutes les sufaces disponibles sont cultivees, des bords de route jusqu'aux cimetieres.
Technique acrobatique de labourage demandant de rester en equilibre sur la charrue. Un ancetre du wake boar? 
Comme en Allemagne, le revers des paysages verdoyants est dans le climat... On comprend d'ou vient l'idee de cuisiner a la vapeur! 

La grande muraille
 Jusqu'a Chengdu, les relations avec les chinois sont difficiles. Combien de fois notre interlocuteur repetera "meyo, meyo" (interjection negative) a nos premiers mots en agitant la main et nous indiquant la sortie de son etablissement ou en s'echappant prestement, refusant tout contact. C'est évidemment a la longue un peu vexant. Après réflexion, il semble que ce type d’incivilité ne soit pas tant un signe de xénophobie que la manifestation d'un profond handicap de communication (1). Persuades de leur incapacite a comprendre une autre langue, ceux-ci cedent a la panique et ne veulent ni comprendre les gestes, les dessins ou le mandarin imparfaitement prononce (2), preferant dans leur peur irrationnelle chasser l'intrus hors de leur monde.

Une des quelques vallees enserrees dans le plastique que nous croisons.
Sur les paysage vallonne s'accrochent les rizieres en terrasses
La ville de Panzhihua, sillonnee de poids lourds, accuse des niveaux de pollution surprenants.

Heureusement passée la ville de Chengdu, nous croisons des gens plus malins (3) et les contacts s’améliorent notablement a mesure que nous progressons vers le sud. Nous referons peu a peu l’expérience d'une hospitalité chaleureuse, disparue depuis le Kirghizstan: lors de notre parcours en altitude, on nous proposera systématiquement de planter la tente a l'abri,  on nous apportera des thermos d'eau chaude au dîner et le matin. Dans une petite ville de montagne, nous serons meme invites a dormir dans la salle d'attente d'une maternité et a partager le dîner et le petit déjeuner du personnel. Une autre fois, nous posons la tente sur une terrasse en béton qui se révèle être la place du village ou le soir une quinzaine de femmes viendront danser la zumba sur un remix techno chinois d'Edith Piaf. Instant memorable.  Au meme moment, un petit vieux, inquiet pour notre sante, nous apportera un kilo de riz. Cette bienveillance retrouvee nous redonne des forces et nous garde des generalites trop faciles sur ce grand pays.

Un temple taoiste dans les montagnes de Chengdu. La brume cree une ambiance dramatique. 
Bivouac dans la maternite. Nous passerons la soiree devant une serie larmoyante que les infirmieres de garde passent sur un grand ecran.
Bivouac a 300 m d'un parc eolien. Nous passerons une nuit difficile... a cause des aboiements du chien du voisin.

Nous sommes un soir  invites a finir les restes du mariage: l'occasion de gouter les pattes de poulet. Mange Marlene, il ne faut pas les vexer!
Boulangerie a Chengdu proposant toutes sortes de petits pains a la vapeur. Nature, fourres a la viande, au sucre... Encore des recettes a essayer au retour!
Porc au petits pois bien pimente et salade de racine de bambous encore plus pimentee!

Les avaries mécaniques
Deux cent kilomètres avant Panzhihua, nous découvrons une fissure sur le moyeu arrière. Allégeant au maximum la roue affaiblie (le gros doit passer devant, Marlene reste tout le temps a l’arrière), nous rejoignons cette ville en serrant les fesses. Panzhihua est une hideuse cite minière aux abords sillonnes de camions fumants qui soulèvent en vrombissant une épaisse poussière noire et klaxonnent a tout va. Le seul réparateur de vélo n'a pas de pièce de rechange mais nous découvrons en outre en démontant la roue une large fissure dans paroi interne de la jante qui n'augure rien de bon. Il nous faut malgré tout repartir. Nous parviendrons dans un suprême effort a rejoindre 270km plus loin Lidjiang (Yunan) ou la paroi externe de la jante se fissurera a son tour a quelques kilomètres du réparateur...


Pourquoi utiliser un porte bebe si celui-ci s'accroche assez fermement?
Partie d'echecs chinois a la pause du chantier. La fureur des jeux habite les habitants du Sichuan.
Un dentiste de rue proposant ses services au marche. 
Le reparateur de cycles chassera t-il les barbares faisant irruption dans sa boutique  d'un "meyo, meyo" ? Arriverons nous a trouver les pieces necessaires au remplacement de la roue arrière pour poursuivre notre voyage? Vous le saurez amis lecteurs, lors de notre prochaine connexion a internet.


(0) Les cafés internet ne semblent plus interdits aux étrangers (le climat se detend par rapport au Xinjiang) mais, ce qui revient au même, ils refusent l’accès sans une piece d'identite chinoise a puce que nous sommes bien incapables de fournir.  Le niveau de filtrage des sites internet ferait passer l'Iran pour un pays libre, a la censure s'ajoute que les moteurs de recherche locaux fonctionnent très mal et renvoient en général sur des sites chinois (on peut aussi utiliser bing...) et internet est particulièrement lent, ce qui a l'avantage de nous réapprendre a vivre sans ce moyen de communication.
(1) Un parallèle peut être établi avec les expériences de plusieurs amis étrangers en visite a Paris se plaignant de l’indélicatesse de la population refusant hargneusement de comprendre l'anglais.
(2) Il arrive même que nous nous fassions comprendre par l’intermédiaire d'enfants qui, moins complexés, traduisent nos gestes a des adultes...
(3) Pour les chinois de langue maternelle autre que le mandarin, le fait de connaître deux langues avantage certainement la capacite de communication. Nos pires expériences seraient-elles avec des mandarins monoglottes?


Marlene, a la pompe, explique au employes perplexes que nous voulons 33 cL d'essence pour notre rechaud.
Panneau a l'entree d'un temple: l'absence de bruit de moteur indisposerait elle le repos des moines?