mardi 29 juillet 2014

Au coeur de l'Anatolie 3/3


Sortis de la Cappadoce, nous avons parcouru environ 500km depuis Kayseri, ou nous avons pu retourner notre carte de Turquie ce qui entame la deuxieme moitie du pays! Au fur et a mesure que nous avançons, des changements commencent a se faire sentir: les villages s'espacent et retrecissent, les vendeurs de bord de route, jusqu'ici omnipresents, ont disparu et les fontaines sont souvent seches, ce qui nous oblige a modifier nos habitudes. Une chose ne varie cependant pas: l'incroyable hospitalite turque, qui continue de nous surprendre regulierement, qu'il s'agisse d'invitations formelles ou de mille petits gestes bienveillants, et qui participe a un climat de confiance et de serenite.


Melons et pasteques de formes et tailles diverses. On en teste la maturite de quelques claques sur le cote pour en evaluer...la densite?
Les loukhoums peuvent s'acheter en long pour etre decoupes a la taille souhaitee. Coute entre 2 et 4 euros le kilo!
Petit dejeuner apporte par Mahmoud devant la tente: en vert des feuilles de vigne farcies, frites froides (pas mal!), baklavas (delicieux), fromage...

Prenons par exemple les deux derniers jours: tandis que nous mangeons devant une mosquee (Ulu Djami, voir plus bas) le gardien nous apporte une assiette de pasteque... que nous partageons ensuite avec deux autres personnes qui viennent de nous inviter a leur table et rempliront nos sacoches de vivres. Le lendemain, tandis que nous attaquons un col en plein soleil comme des escargots, une camionette nous depasse et s'arrete un peu plus loin. Quand nous arrivons a sa hauteur, un homme sort du coffre deux boules de glace en cornet  qu'il vient de confectionner puis redemarre en nous souhaitant bon appetit. Plus loin, alors que nous demandons de l'eau dans un village, la dame revient d'abord avec un pichet d'eau fraiche puis avec 2 verres d'ayran (boisson au yaourt). Le soir nous serons invites deux fois de suite a prendre le the... et le lendemain reveilles a 7h par nos hotes qui deposeront devant la tente un plateau de petit dejeuner (voir photo ci-dessus)! Le seul inconvenient est que nous ne parvenons pas a nous coucher tot :-) (1).

Tentant de prendre un raccourci, nous passerons une journee entiere sur de la piste en 'tole ondulee'...
Baignoire champetre: trouver cette source par 40 degres nous est apparu comme un cadeau divin!
Une sortie d'ecole nous oblige a commettre un sacrilege: freiner en descente!  


Visite du caravanserail de Kayseri (2eme plus grand de la region): la mosquee dans la cour interieure est encore intacte. Construction Seljuc.
Mosquee de Divriği: classee par l'Unesco, elle fut construite au XIII eme siecle par les Seljucs (toujours eux!)
Vue exterieure de la mosquee: le minaret sera ajoute par le sultan ottoman Soliman le magnifique (XVIeme) 

La route entre Divriği (mosquee ci-dessus) et Erzincan est assez montagneuse et nous venons d'enchainer trois jours assez intenses avec plus de 3700m de denivelee, nous promettant chaque soir de nous reposer le lendemain: mais les haltes sont plus rares et hier nous nous sommes carrement trompes de route, privilegiant bien malgre nous l'itineraire pittoresque... La presente journee, un des trois jours feries fetant la fin du ramadan au cours desquels les gens s'offrent des chocolats, sera donc aussi chomee pour nous! Nous devrions atteindre Erzurum en fin de semaine pour recuperer nos visas iraniens.

Mahmoud et sa famille qui nous ont accueilli dans leur jardin a Iliç et prepare l'excellent petit dejeuner decrit plus haut.
(1) ps: une heure apres avoir ecrit cet article, un gars se nous aborde dans un restaurant, discute 2 minutes puıis lache negligemment en partant ''Au fait j'ai paye votre repas''. Puis 2 km plus loin, une famille nous propose pour la nuit un gite entier qu'ils ont loue mais ou ils ne veulent pas dormir: on peut se servir dans le frigo plein de nourriture, il nous suffira de claquer la porte le lendemain. C'est fou ce pays...

mardi 22 juillet 2014

Kapadokya

A la demande de Charlotte, Anne-So et Loic, voici un petit paragraphe culinaire: le ramadan continue de battre son plein, et comme chez nous les chocolatiers a Paques, les boulangers s'affairent a preparer les plats du moment: grands pains plats circulaires ou allonges (Pide - photo 2), pains au cesame (photo 1), et les delicieuses patisseries turques au miel, les baklavas! Les supermarches font des paquets special ramadan, avec 1kg de the, 1kg de lukums, 1kg d'olives, les baklavas, la soupe (çorba), le fromage blanc pour preparer l'ayran, boisson salee qui accompagne tous les repas, etc... Comme on le voyait sur notre dernier repas de ramadan, ici on cuisine en quantite!



Les pains au sesame cuits dans un plat a gateau,tout juste sortis du four.
Vitrine de baklavas, loukoums et pains de ramadan.
Repas complet a 2 pour 5€: brochette de poulet (şiş), galette, salade turque, piments, ayran, the (le dürüm a deja ete mange par Marlene!)

Invites avant-hier dans une famille, nous avons pu gouter de nouveaux plats au cours d'une anecdote savoureuse: avant hier soir, alors que nous venons de prendre de l'eau dans une mosquee, un homme aux gigantesques oreilles decollees et parlant un peu francais nous propose de manger chez lui pour le diner de ramazan. Nous nous retrouvons incrustes a un repas de village, pas du tout chez lui  mais chez le maire (nous apprendrons ensuite qu'il s'agit aussi des 3 ans du deces de la grand tante). Marlene emmenee chez les femmes, qui mettent quelque temps a comprendre ce qu'elle fait la, Olivier avec les hommes devorant des yeux leur çorba deja servie et regardant febrilement leur montre en attendant l'appel liberateur du muezzin a 8h23, signalant la fin du jeune quotidien. 5 plats succulents seront tour a tour servis par les femmes (2, les autres mangent a cote!) : çorba (soupe de poix chiches), menta (pates fraiches a la viande hachee), suli kofte (1). Puis le riz aux poix chiches, toujours accompagne de la fameuse salade de tomates/concombres/persil et enfin pasteque et petits gateaux. Mais point de baklava en dessert, Marlene apprend cote femmes qu'ils ont ete egares! Ils seront helas retrouves peu apres notre coucher...


Visite d'une ville souterraine aux proportions impressionnantes. De lourdes roues de pierre permettent d'obturer certains passages.
Exploration de maisons creusees dans une falaise, accessibles moyennant un peu d'escalade.
Monastere troglodyte dans la vallee d'Ihlara.
Depuis la semaine derniere nous sommes en Cappadoce, et si les kilometres quotidiens diminuent nettement, c’est pour une bonne raison: concentree sur un rayon de 50km, cette region a herite d’une densite suprenante (ecoeurante diront les regions voisines) de lieux d’interet. Merveilles geologiques tout d’abord: voici 10 millions d’annees, des eruptions volcaniques ont forme une superposition de couches de duretes differentes (cendres (tuf), laves (basalte), boues) sur une centaine de metres d’epaisseur que l’erosion a creuse en profondes vallees, laissant les cheminees de fee, ces monolithes geants de tuf coiffes et proteges d’un bloc de roche dure. Et merveilles historiques, puisque les habitants, veritables termites humaines, creuserent pendant plusieurs millenaires cette roche tendre pour y trouver refuge, perçant les falaises, forant des villes souterraines et laissant des eglises troglodytes couvertes de fresques colorees, temoins des debuts du christianisme.
des cheminees de fees. La couche de basalte du haut est la meme pour les 6 cheminee!  Certaines sont creusees et habitees.
Marlene, en bas, donne l'echelle
et encore des cheminees! En avant plan, de la vigne cultivee dans le sable pour faire raisins secs et sirop de raisin.
Hier, alors que le soir tombe et que nous n'avons pas trouve refuge, un caravanserail sort du neant.  Nous pouvons le visiter et assister a une ceremonie de derviches qui s'y deroule. Nous en ressortons ensorceles par la beaute de la musique et la grace des danses. Un charme mysterieux opere et un grand derviche barbu accepte que nous plantions la tente pour la nuit dans le jardin (en ajoutant l'habituel "problem yok - pas de probleme" que nous entendons toujours en Turquie).  Nous nous endormirons extatiques dans cette nuit magique remplie d'etoiles, au pied de ce caravanserail millenaire ayant accueilli tant de voyageurs, tandis que resonneront longtemps dans nos tetes les melodies des derviches...
Cette zone fut appelee "love valley" a cause de la forme evocatrice de ses cheminees. Chateaux, lutins, chacun y verra neanmoins ce qu'il veut...
Le caravanserail SarınHan...
... et la ceremonie de derviches qui s'y tient. En arriere plan, les musiciens: tambour, oud, ney (flute) et harpe.

(1) boules d agneau et de boulgour de 2cm de diametre en sauce "bien meilleures que les kofte de la cote ouest" plus grosses et grillees d'apres notre hote. J'acquiece poliment, 'oui oui en effet, c'est bien meilleur que chez ces ignares de la cote ouest :-)!

mercredi 16 juillet 2014

Au coeur de l'Anatolie 2/3

As-Saalam-Alaikum tout le monde! Apres la cote sud de la Turquie, il nous a fallu saisir le Taurus par les cornes et escalader a nouveau sur le plateau anatolien. Nous roulons maintenant depuis quelques jours a 1000 metres d'altitude et les nuits fraichissent (un drap est parfois necessaire vers 5h du matin ...). Alors que nous passons la nuit du jeudi 10/07 a Akseki, la lune est pleine, ce qui signale la moitie du ramadan. La ville offre pour l'occasion un repas et un concert au cours duquel nous assistons a la danse pleine de grace de deux derviches sur le son melancolique de la ney (flute traditionnelle) (1).


Le col (tres) vente d'Alacabel et Laurence,
cyclovoyageuse alsacienne aguerrie.
Apres une journee chargee en cols que nous gravissons en compagnie de deux cyclovoyageurs français, nous cherchons a planter la tente au nord de Seydışehir. Le soir tombe et deux echecs plus tard, on nous dirige vers la place du village ou quelqu’un parlant mieux anglais que nous turc nous invite finalement chez lui. Reçus comme des rois, nous passerons deux nuits chez Kudret et Turkan. Le dimanche soir, tachant de nous adapter a la production de leur jardin, nous preparons une tarte tatin aux abricots (a refaire!) et une ratatouille. Nos plats sont ajoutes a ceux des voisins pour un festin qui debute 10 secondes apres l’appel du muezzin. Soiree festive et danses turques jusque tard. Le depart du lendemain (Turkan nous prepare le petit dejeuner alors qu’elle jeûne) est alors doublement douloureux: adieu Kudret et Turkan et teşekür ederim, nous ne vous oublierons pas!
Kudret, Turkan et Mohammed. Un dîner normal (deja copieux)...
...et un dîner un peu plus festif!
Leçon de voile pour Marlene

Nous gagnons ensuite Konya, capitale du velo! Si celui-ci etait totalement absent du paysage depuis notre arrivee en Turquie (2), des l’entree de la ville surgissent cyclistes, pistes cyclables, reparateurs et meme un service de pret du type des velo’v lyonnais. Konya est aussi accessoirement la capitale des derviches tourneurs. Son centre abrite le monastere de leur ordre, desormais transforme en musee et la tombe du fondateur: le poete et mystique persan Mevlana Rumi.
Une des nombreuses echoppes du bord de route: 3 parpaings, un parasol et c'est parti! 
Bisiklet Yolu : piste cyclable a l'entree de Konya!
Le monastere de Mevlana. La tour verte abrite la tombe de Rumi et de quelques sultans.

200 km de steppe desertique separent Konya de Aksaray. Seule la course d’un Souslik du Taurus (pour les amateurs du jeu Fauna: mini chiens de prairie a la queue courte qui se dressent sur leurs pattes arrieres a notre approche) ou le tortillement d’une petite tornade viennent rompre la monotonie du paysage. Tandis que, passablement fatigues, nous traversons Kızören (80 habitants, un barbier, une mosquee) a la recherche d’une epicerie qui n’existe pas, le barbier nous fait signe de rentrer dans sa boutique pour echapper a la fournaise ambiante. Apres 1L de çay, il nous invite pour le diner puis la nuit. Il nous emmene voir le Han (Caravanserail) de Obrük datant du XIII eme siecle: nous voici sur la route de la soie! A quelques pas derriere nous nous trouvons face a un abime circulaire gigantesque rempli d’eau 20m plus bas, a la profondeur insondable d’apres notre hote, qui alimentait les voyageurs en eau.

Nous visiterons le lendemain 40 km plus loin (4) l’imposant Sultanhan, plus gros caravanserail de Turquie, construit egalement au XIII eme siecle par les Sedjoukides et restaure depuis.
A l'entree du desert, le voyageur est prevenu: attention, vaches maigres!
L'abîme du caravanserail d'Öbrük. Les falaises mesurent une vingtaine de metres.
le SultanHan et ses arcades. Derrıere, une partie couverte de la taille d'une cathedrale etait utilisee en hiver.




(1) Voir le paragraphe sur Konya
(2) ne parlons pas du tandem pour lequel il n’y a meme pas de nom en turc!

(3) les caravanserails etaient construits a une distance d'une journee de marche les uns des autres (env. 40 km) et proposaient gratuitement leurs services aux voyageurs (docteur, veterinaire, nourriture, logement) les trois premiers jours du sejour. 
(4) tribu turque dont l'empire s'etirait de la Turquie au Kirghistan entre le XI eme et le XIVeme sıecle.

vendredi 11 juillet 2014

Au coeur de l'Anatolie 1/3

Nos peregrinations vers l'Est nous ont naturellement porte vers le pays du lever de soleil -qui est la signification du mot Anatolie en grec. Et ce soleil-ci s'avere de plus en plus impitoyable a mesure que nous avancons dans l'ete et dans les terres. La chaleur nous oblige a rouler tot le matin rend deraisonnable toute excursion entre 13h et 16h.
Nous faisons halte a Nasilli chez des amis rencontres lors de notre dernier voyage en Turquie. Nous sommes choyes durant deux jours comme des membres de la famille et repartons gais et pleins d'energie. Energie necessaire, car nous devons maintenant escalader le plateau anatolien (1000m). La haut, le climat de cette ımmense plaine change et  les oliveraies et pasteques laissent place au champs de tabac, ble, cerisiers et anis (pour le raki, la pastis turc). Finie la desormais traditionnelle pasteque de 11h achetee a l'un des innombrables marchands de fruits le long de la route! Si les nuits sont plus fraiches, les journees restent torrides.
Repas traditionnel otoman chez les amis de Nasilli: Marlene en compagnie de Yusuf et de ses deux filles.
Nous apercevons en bord de route de nombreuses plantations de tabac qui est en train d etre recolte.
Ici, sechage des feuilles au soleil.
la tradition  pour les riches otomans de construire des fontaines dans les lieux publics en y inscrivant leur nom s'est maintenue. Celle-ci est bienvenue, merci Ibrahim Elfoğlı!
Des R12 de partout! Photo prise depuis le siege arriere du tandem.
Une vue de ce majestueux plateau enchasse de montagnes
Culture du ble et de l'anis sur le plateau.
Apres quelques cols pour passer les monts Taurus, nous descendons sur Antalya, ville cotiere de plus d'1,5 millions d'habitants. Nous y passons deux jours, dans la famille de Levent, rencontre par le reseau cycliste Warm Showers. L'accueil est un exemple supplementaire de l'incroyable hospitalite turque. Nous leurs cuisinons des specialites françaises: crepes et tarte tatin ont un franc succes!

Dans une des innombrables echoppes qui bordent la route: on y trouve du the (çay) et des gözleme, (grand chapati garni) cuits sur un poele a bois (sadj). Chaleur garantie!
Sur une zone de panorama, la statue d'Atatürk, qui aurait, d'apres ce que l'on comprend de l'ecriteau, qualifie Antalya de plus belle ville ("en güzel") de Turquie
La ville d'Antalya et les monts Taurus qui plongent de 1500m dans la mer.
L'hiver, un telepherique mene a une station se ski.
Sur les conseils de la fille de nos amis de Nasilli qui s'y rend, nous rejoignons notre objectif: le rassemblement annuel "rainbow". Cette communaute ephemere et autogeree (1) pratique durant un mois les preceptes hippies d'amour, tolerance et d'harmonie. Sejour et rencontres passionnants  qui nous permettent de mieux comprendre les societes turques et iraniennes. Nous y cotoyons des gens de tous horizons, un allemand voyageant en velo couche, des russes autostoppeurs, des turcs fuyant Istanbul. Les iraniens se proposent de nous aider pour la suite du voyage. Prochaine destination: Konya, un des berceaux du soufisme!

Chez Levent et sa famille: crepes et un petit dejeuner turc: tomates, concombre, fromage, pain et çay.
la vallee dans laquelle se tient le rassemblement rainbow.
Douceur des dernieres minutes de soleil: de belles couleurs, le calme et la fraicheur enfın revenue. Paix et amour mes freres!
(1) La cuisine est egalement preparee en autogestıon, ce qui peut reserver des surprises: alors que le petit dejeuner avait ete abandonne faute de cuistots, nous nous sommes par exemple lances un midi, l'estomac vide,  dans la preparation de chapatis au feu de bois pour 100 personnes. Nous avons bien essaye de leur expliquer que c'etait une mauvaise idee au dela de 10 personnes, surtout en commencant a midi, sur un feu de bois s'eteignant toutes les 5 minutes et avec deux cocottes retournees en guise de poele... Mais ils nous ont repondu, "take it easy brother , we have time"... En effet,  a peine 5 heures apres, on avait fait 130 chapatis ... pour un dejeuner a 17h compose d' une cuillere de legumes et d'un chapati chacun. Quelques estomacs ont gargouille ce soir la jusqu'au diner... servi dans le meme esprit a minuit!