mardi 23 septembre 2014

De Bukhara a Tashkent en passant par Samarcande


Passes en Ouzbekistan, le desert continue: si on l’oublie dans les villages, le sable reapparait des que nous en sortons. Le terrain est plat et nous avancons a bonne allure, malgre des portions de routes dans un etat epouvantable. Au fil de notre progression, nous decouvrons un pays beaucoup moins riche que l’Iran. La modestie des moyens se ressent notamment sur les transports. Trois types de vehicules motorises se rencontrent: le camion russe bleu hors d'age pour les marchandises et travaux, la Chevrolet Nexia blanche pour les plus favorises et pour les autres les taxis collectifs, de minuscules monospaces Daewoo/Chevrolet (1) prevus pour 6 places mais en pratique charges bien au dela. Nous croisons egalement bon nombre de charettes (foin, coton, pasteques) tirees par un ane. Enfin beaucoup de velos monovitesse, au cadre plusieurs fois re-soude portant souvent deux parfois trois personnes.

Si les conducteurs iraniens nous avaient parus deplorables, l'Ouzbekistan se place dans une categorie superieure. Comme en Iran, la conduite est uniquement reactive, les retroviseurs et clignotants etant supplantes par le klaxon. Mais les queues de poisson et les arrets brutaux au milieu de la route (pour prendre des passagers, tout le monde etant taxi), deviennent ici un sport national. Le fait que les chauffeurs consomment en outre de la vodka des le petit dejeuner (2) n'arrange pas les choses et nous fait regretter la prohibition iranienne.
Une des innombrables charettes croisees ou doublees: le tandem est decidement plus rapide qu'un ane mais n'en egalera pas le confort!
Rencontre inattendue avec un autochtone.

1 dollard =30 000 Sums, qui sont souvent distribues en billets de 1000.Il faut donc s'habituer a manipuler des liasses.
La route que nous empruntons depuis le Turkmenistan est quasiment la seule possible pour traverser l'Ouzbekistan. Nous commencons a rencontrer d'autres cyclovoyageurs, dont Yoshi, ce japonais roulant sur un petit velo pliant surcharge. On pourrait a premiere vue douter qu'il puisse tenir plus de 15 jours de la sorte, il a pourtant ainsi traverse en 6 ans l'Amerique et l'Afrique et l'Europe du nord au sud et s'apprete a rejoindre son pays en 2 ans... Notre petite escapade parait bien modeste a cote de ce voyageur aguerri.

Yoshi, cyclovoyageur japonais sur les routes depuis 6 ans.

Tous les jours a 11h nous nous arretons sur le bord de la route pour la pause pasteque (30 centimes piece!)
Musiciens traditionnels pour un mariage. Les deux trompes dont sortent peniblement deux notes couvrent totalement le reste...
Au bout de 150 km nous entrons dans Bukhara (Buxoro sur les panneaux), la ville aux 100 madrassas dans laquelle nous passons deux nuits. Nos premieres discussions avec les habitants sont deroutantes: cette region de l'Ouzbekistan est peuplee de Tadjiks qui parlent tantot leur langue proche du farsi, tantot russe et tres peu ouzbeque. Ils arrivent meme a melanger les trois au sein d'une meme phrase. Nos premieres tentatives d'utilisation du turc se heurtent a l'utilisation systematique du russe avec les etrangers. Nous apprenons alors assez vite a commencer nos echanges par "Paruski niet!".

L'imposante forteresse de Boukhara
Une des innombrables madrassas (ecoles) de Boukhara
Madrassa du Registan de Samarcande.
Les 310 km qui separent Boukhara de Samarcande sont expedies en trois jours. Suite aux deceptions eprouvees lors des visites des villes iraniennes de Shiraz et Isfahan, nous restons prudents quant a nos attentes vis a vis de Samarcande. Le choc n'en est que plus grand quand nous decouvrons les differents monuments qui emergent de la ville. Les batiments de style seldjuk (3) ont bien evolue depuis la Turquie: la couverture des domes avec de la ceramique coloree en iran etait deja impressionante, mais l'addition des cannelures ajoute une grace incomparable. C'est de loin ce que nous avons vu de plus beau jusqu'a present!


Dans le bazard bouillonnant de Samarcande, les liasses de sums passent de main en main.
La mosquee Bibi Khanim (XVeme s. ) de Samardance offerte a Tamerlan par sa femme. Oh la belle surprise.
Devant le Registan de Samarcande avec un tandem allege.

 Parvenus a une centaine de km de Tashkent, alors que nous demandons dans le marche d'un village ou nous pouvons planter la tente pour la nuit, la formidable hospitalite de l'Asie Centrale se met en branle. Un des vendeurs plie son etal et nous invite a suivre son velo. Apres quelques kilometres de piste, nous arrivons dans un petit village ou les gens considerent heberlues notre equipage. Evacuant d'emblee la solution de la tente, Hotkir nous recevra dans sa famille avec la deference et l'attention que l'on accorde ici a l'invite a qui reviennent la meilleure place et les meilleurs morceaux du repas. Nous degusterons un delicieux plat compose d'un rouleau garni de pate ferme en anneau et cuit a la vapeur. Nous deplorerons seulement l'absence de sa femme et des plus jeunes enfants qui mangeront en cuisine. Si la femme dans le couple semble effacee, la femme agee semblent en revanche jouir d'une autorite particuliere: le lendemain, c'est la vieille voisine qui realisera avec aplomb la priere benediction de notre voyage et lancera le depart.


Le fils d'une vendeuse de pasteque qui semble aprecier la notre.
Le ravioli geant cuit a la vapeur, servi avec yaourt... evidemment.
Photo de famille apres une bonne nuit a la ferme et un lever de bonne heure.



(1) Tous les ouzbeques nous annoncent fierement que les chevrolets/daewoo omnipresentes sont fabriquees ici.

(2) Lors de notre premier petit dejeuner, la serveuse equarquille les.yeux quand nous commandons quelque chose de sucre (tatle). "Comment, du sucre a 9h du matin? Vous ne preferez pas des brochettes et de la vodka?" Nos voisins, qui sentent deja pas mal l'alcool, nous en proposerons une rasade tout en expliquant qu'ils sont chauffeurs de poids lourd...

(3) Le grand portail carre (Iwan) caracteristique perce d'un dome ouvrage et les coupoles se retrouvent depuis la Turquie.

vendredi 19 septembre 2014

Traversee eclair du Turkmenistan


Apres toute l'energie, le temps et l'argent depenses a Teheran (1), un visa de transit de 5 jours nous est octroye pour le Turkmenistan du 3/09 au 7/09. Nous arrivons apres une belle ascension a Bajgiran, petite ville frontaliere a 2000 m d'altitude et trouvons la frontiere fermee jusqu'au lendemain. Plus que 4 jours... Comme nous rebroussons chemin, un militaire iranien nous interpelle et demande a passer en revue nos photos (2). Visionnant a rebours, la situation devient critique lorsque nous arrivons aux cliches compromettants de Teheran: concert prive, chanteuse, femmes non voilees, contacts physiques entre personnes de sexe oppose, etc... "Turkey, Turkey", repondons-nous a son regard suspicieux. Nous en serons quittes pour effacer toutes les dernieres photos prises le jour meme.

Le lendemain, nous passons la frontiere et nous rejouissons de la belle descente qui nous attend : la capitale Ashgabat, est situee quelques 1500m  plus bas. Mais la zone entre la frontiere et la ville est interdite aux velos et nous devons enfourner a contrecoeur (et apres de longues palabres avec un militaire optu) le tandem dans un minibus.

Descente a Ashgabat en minibus. Le tandem sacrifie les 12 places du minibus. On se serait bien passe de cette descente forcee.
Les grandes avenues en carton pate d'Ashgabat. Au sommet de chaque batiment flotte le drapeau vert du Turkmenistan.
Deux fiers guerriers issus de la mythologie turkmene remaniee defendent une statue en or de Niyazov
Nous parcourons alors cette ville d’un luxe lugubre ou sont juxtaposes avec le caprice pour seule inspiration et l’ostentatoire pour seul ideal , grands immeubles immacules, statues en or de Niazov (3), fontaines monumentales parcs sans ombre sans doute copies d’une carte postale londonienne et parfaitement ridicules dans une ville ou la temperature atteint parfois 50 degres. Tout cela pourrait preter a sourire si l’arbitraire du pouvoir n’etait pas aussi omnipresent. Par exemple, le couvre feu regne a partir de 23h. Nous parcourons ces avenues 2x4 voies neuves et rectilignes gardees en chaque coin par un policier au kepi vert excessivement large fleurant bon la dictature sud americaine. L’un d’eux nous interpelle comme nous nous appretons a traverser la rue, nous indiquant le passage souterrain pour pietons (20 marches). Inenvisageable avec un tandem de 50kg, mais il ne semble pas plaisanter. La ligne blanche semblant infranchissable, il nous obligera finalement a aller faire demi tour au prochain rond point a 1km de la ! La scene se reproduira plus loin.

Reverberes londoniens, fontaines, obelisque monumental et statue du president. De l'or du marbre et des paillettes. Il manque juste les etres humains.
Une des employees au balayage permanent des rues. Les photos etant interdites dans pas mal d'endroits, nous n'avons pu saisir la robe traditionnelle...
Billets de 1, 10 et 50 manats. Pour ceux qui ne savent lire les chiffres, la longueur de la barbe renseigne sur la valeur du billet :-)

Comme nous cherchons desesperement une zone de vie (commerces, habitations,...), on nous indique le bazar principal... deporte a 8km du centre, cela ne devait pas faire assez chic. Cela nous permet quand meme d’emprunter l’autoroute etincelante, balayee en continu par des femmes en robe traditionnelle cintree. Dans le bazar, notre equipage ne passe pas inapercu et les gens nous saluent de maniere bienveillante, montrant des sourires dores. Un attroupement se cree autour du velo et nous discutons un moment: nos efforts pour apprendre le turc ne sont pas inutiles, le turkmene etant souvent assez proche pour que nous puissions nous faire comprendre (4). Par contre notre apprentissage recent de l'ecriture arabe en Iran pour le Turkmenistan est parfaitement inutile (5), tout est ecrit soit en cyrillique soit en roman! Comme nous sortons l'appareil photo, on nous fait signe avec empressement de le ranger, nous indiquant les dizaines des cameras qui surveillent le batiment. L'oeil du pouvoir est partout...


Le direct Ashgabat-Turkmenabat. Train couchette en compartiments de 6 personnes.
Arrivee a Turkmenabat au petit matin. Nous retrouvons le tandem poussiereux mais entier!
La gare de Turkmenabat, moins flambante que celle d'Ashgabat. On trouve quand meme quelques statues en or!

Fuyant cette prison doree, nous empruntons le train traverser le pays jusqu'a Turkmenabat. Il nous restera alors trois jours pour visiter la region nord tout en restant a une distance raisonnable de la frontiere. Si le billet pour ce train de nuit est derisoire -5 manats chacun, soient environ 1 euro- le tandem pose probleme. Chaque responsable de wagon nous barre l'entree et, indifferent, nous renvoie au suivant. Le jeu dure jusqu' a la locomotive, ou l'on accepte finalement de prendre le tandem pour... 200 manats! La negociation s'engage tandis que le train doit partir dans 10 minutes. Sur de son pouvoir et flairant un argent de poche facile, le machiniste se contente de rire a nos denegations: nous expliquons refuser de payer le prix de 40 personnes! Le depart sonne, nous decidons d'abandonner. Tandis que nous nous eloignons avec nos affaires, le machiniste nous rappelle, accepte notre offre de 20 manats et nous regagnons notre wagon perplexes, sans savoir si nous retrouverons le tandem a l'arrivee.

Ecolier en uniforme attendant le bus
Ecoliere en uniforme: la belle robe turkmene typique cintree.
Rencontre de Suzanna, cycliste espagnole voyageant seule en sens inverse depuis la Thailande. La zone qui mene a la frontiere est desertique.
Arrives a Turkmenabat a l'aube, nous sillonnons cette ville de taille et d'apparence beaucoup plus modestes que la capitale. Nous prenons le petit dejeuner dans un etablissement proche du bazard: le pain est une galette epaisse et ronde aplatie au centre. Le the est vert et servi dans des tasses en porcelaine: la chine approche! Plusieurs personnes nous abordent amicalement. Dans le cafe, le ton est assez critique envers le pays. L'un d'eux nous confie qu'il reve d'avoir plus d'argent pour quitter son pays et rejoindre la Suede. Tous nous conseillent de gagner au plus vite l'Ouzbekistan, "bien plus joli". Ne trouvant que des hotels chers, nous suivons leur avis et quittons Turkmenabat en debut d'apres midi pour la frontiere a une vingtaine de km de la. Nous passons la douane Turkmene apres une fouille sommaire par un militaire mefiant et irrascible des bagages, medicaments, livres et avoir encore rempli quelques formulaires en cyrillique dont le pays raffole. Cote Ouzbekistan, les formalites sont expediees en 2 minutes par un fonctionnaire souriant qui conclue par un cordial: "welcome to Uzbekistan". Realisant alors n'avoir jamais entendu cette formule au Turkmenistan, nous gagnons sans regret l'autre cote de la frontiere.

Peu apres la frontiere ouzbeque. Exercice: a quels pays appartiennent ces capitales?


(1) Voir articles precedents
(2) Nous sommes dans un tel climat de confiance que nous croyons au debut qu'il nous demande si nous avons un appareil photo pour realiser un cliche ensemble!
(3) Ancien fonctionnaire zele du regime sovietique, Niyazov semble s’etre decouvert une passion pour son image lors de son accession au trone en 1991. Voir cet article http://www.courrierinternational.com/article/2007/03/29/achgabat-la-ville-blanche
(4) Certains mots sont cependant tres differents. Exemple interessant qui traduit les influences differentes de la Turquie et du Turkmenistan, le mot train -"tren" en turc- est ici "poyuz", les russes l'ayant importe.
(5) Sur google maps, les villes turkmenes sont ecrites en arabe. Notre plan etait donc d'apprendre le turc en turquie puis l'ecriture arabe en Iran pour nous debrouiller parfaitement au Turkmenistan... Tout ne s'est pas passe aussi bien que prevu :-)

vendredi 12 septembre 2014

Lettres persanes


Si les debuts sur Teheran furent un peu eprouvants, notamment la quete des visas, les trois semaines passees autour de la capitale nous ont heureusement laisse le loisir de decouvrir d'autres lieux que les ambassades et de comprendre un peu mieux la societe iranienne.
Premiere surprise: les restaurants, cafes sont introuvables. Alors qu'en Turquie, chaque rue du moindre bourg en compte tous les 20 metres, que l'on repere par les groupes d'hommes sirotant un the au bord de la route , ici, point d'atroupement, que du passage. Il semble d'une part que les contraintes de la vie publique aient gomme tous les loisirs exterieurs. D'autre part, bien qu'on ait goute quelques plats de riz savoureux, la cuisine n'est pas la specialite de l'Iran, laissant le champ libre a l'invasion des fast foods.

Premier plat iranien: arrivant a Teheran a 3h30 du matin, nous dejeunons dans la seule boutique ouverte qui prepare ... de la tete de mouton!
Les restaurants sont rares et difficiles a trouver en Iran, le plus facile est de se faire inviter: ici, passee une porte minuscule, une salle animee apparait. Plat unique, sorte de pot au feu au mouton.

Ici, invites par Mahsa, informaticienne reconvertie faute de travail : le fort taux de chomage est une des consequences des sanctions economiques.

Visite du bazar de Teheran en compagnie de Mahsa, rencontree dans la rue et qui se propose de nous guider.
Le contraste entre les tenues autorisees des clientes et les coupes osees des robes de soirees en vente est saisissant. 
Bazaar de Teheran, pieton mais parcouru en tous sens par des chariots.

Durant les 8 jours du traitement de notre visa Ouzbeque, nous nous echappons en bus (1) de la capitale vers le sud, en direction des sites les plus touristiques: Shiraz, ses mosquees majestueuses (dont un des lieux saint du chiisme, architectures extraordinaires ou les photos etaient helas interdites) et les ruines de la cite de Persepolis. Nous filons ensuite sur Yazd, au bord du desert et un des derniers bastions du zoroastrisme, une des premieres religions monotheistes. En restent notamment les deux "tours du silence", en haut desquelles les corps des defunts etaient abandonnes aux vautours pour etre nettoyes avant ensevelissement, pratique qui eut cours jusque dans les annees 60. De toutes les grandes maisons emergent des "tours a vent", d'ingenieux systemes de ventilation naturelle (voir photo ci dessous).

La citadelle de Shiraz, qui fut autrefois la capitale de la Perse et de la dynastie des Zand. Une des tours s'est enfoncee...
L'ancienne cite grandiloquente de Persepolis, construite sous Darius I (VIeme siecle AJC), a l'epoque ou l'empire Perse s'etendait de la Turquie a l' Inde.
La cite de Yazd, contruite au bord du desert en terre crue et torchis, presente pour le voyageur europeen un exotisme incomparable.
De retour sur Teheran, nous retrouvons nos amis de la maison n4, un repere plus ou moins clandestin d'artistes de tous crins: photographes, musiciens, philosophes... Comme nous decidons d'organiser un concert avant notre depart -une semaine plus tard- les repetitions vont s'enchainer  pour Olivier durant 5 jours pour mettre un repertoire sur pied. Pendant ce temps, Marlene preparera la suite du voyage. Le groupe sera finalement constitue d' une chanteuse, deux guitares, une basse et une boite a rythme et trois concerts prives de jazz funk seront programmes dans le studio de la colocation. L'evenement est evidemment realise avec la plus grande discretion: les femmes ne sont pas autorisees a chanter, qui plus est sans voile, les concerts doivent faire l'objet d'une demande d'autorisation... Ne parlons pas de l'alcool qui circule dans le public (2). Une certaine tension sera palpable a chaque coup de sonnette mais tout se deroulera sans accroc.
La colocation de la maison n4 nous accueille durant toute la repetition du concert. 
Premiere partie du concert, sans la chanteuse!
Nos quelques realisations culinaires connaissent un franc succes: tarte tatin, tarte au citron meringuee, et ici frangipane.
Nous filerons le lendemain du dernier concert en bus sur Mashad, ville sainte car tombeau du huitieme imam (Reza) ... et egalement lieu de recuperation du visa turkmene. Nous pourrons alors enfin enfourcher notre cher tandem pour gagner la frontiere vers le Turkmenistan en limite de visa iranien!



Bloques a Abarqu, nous sommes invites a manger et dormir apres une visite touristique de la ville. Au menu: vin artisanal qui decape et 4 poulets!
Petit week end a la montagne entre amis a proximite de Teheran, dans une maison de famille (pratique!)
Frontiere du Turkmenistan en vue!

(1) Comme l'essence est presque gratuite (quoiqu'il fut recemment multiplie par 4, le prix reste autour de 30 centimes le litre), outre le traffic dementiel, le bus est bon marche. Une nuit de bus pour traverser le pays nous coute 10 euros par personne pour 900km.

(2) La production d'alcool fait l'objet d'une intense activite souterraine. Nos hotes produisent leur propre biere (tres bonne d'ailleurs!), le bassiste nous explique comment il fabrique son vin, d'autres distillent avec des alambics clandestins le mout du raisin. La vodka qui est achetee circule dans des bouteilles d'eau minerale scellees! (comment font ils?)

dimanche 7 septembre 2014

Teheran ou la poursuite des visas perdus

Chers lecteurs,
apres une longue absence due aux difficultes techniques d' acces a notre blog en Iran, nous voici en Ouzbekistan (1) et les articles hebdomadaires reprennent! Quelques caracteres cyrilliques se cachent peut etre dans le texte, resultat d accents non reconnus... Desole pour ce gros texte indigeste, les photos ne passent pas depuis ce cafe internet, elles suivront a la prochaine connexion!

L'essentiel de notre sejour -et de notre visa iranien- s'est deroule a Teheran, consistant en une course frenetique aux visas rappelant un des douze travaux d'Asterix en prise avec l'administration et dont le cote burlesque vaut le recit:

Arrives samedi 9 aout a Teheran, 17 millions d'habitants et capitale de l'Iran, nous nous precipitons des le lendemain a l'ambassade ouzbeque, presentant avec raison une procedure longue. Leves a 6:30 du matin sans etre remis de nos 48h de train, nous voyons passer 3 rames de metro bondees avant de pouvoir nous entasser dans la quatrieme. Au terminus, une moto taxi nous emmene et nous demontre helas de maniere irrefutable la cause du taux record de mortalite routiere. Nous lachant hebetes, il en profite pour nous arnaquer royalement sur le prix de la course. Il faut dire que les premiers jours en Iran sont passablement deroutants: passons sur la langue (le farsi, issu du perse est tres different du turc ou de l'arabe, il est egalement parle en Afghanistan) et l'ecriture (arabe):
  • les chiffres sont aussi differents de nos chiffres "arabes"
  • la date est un melange des annees islamiques (qui commencent en 621, nous sommes donc en 1393) et du calendrier zoroastrien qui commence a  l'equinoxe (allez donc calculer le temps qui vous reste quand votre visa indique en chiffres farsis une entree sur le territoire le 17 eme jour du 5 eme mois de l'annee 1393)
  •  les regles de circulation demandent quelques jours d'acclimatation: ici seule la survie du vehicule est la regle (et encore...), le nombre de voies etant flexible et fonction du contexte, les distances de securite reduites a neant (ca touche souvent).
  • enfin l'argent est aussi une source intarissable de rigolade: l'inflation galopante amene aujourd'hui un dollard a valoir 30 000 riads. Pour simplifier (?) les iraniens parlent en tomans qui valent 10 fois plus, et oublient generalement les trois zeros restants. Un prix annonce a  "se (3) tomans" signifie donc 30 000 riads. Perdus dans ces billets alignant 3,4 ou 5 zeros sans separation, nous laissons parfois les iraniens exasperes plonger leur main dans notre portefeuille pour y pecher la somme requise!

Bref il vaut mieux avoir bien dormi lorsqu'on arrive en Iran! Revenons a notre ambassade: apres deux heures de queue, notre dossier est refuse car il manque une lettre de recommandation de l'ambassade de France...fermee le dimanche.
  • Lundi 10/08 Une heure de metro nous permet de rejoindre l'ambassade de France qui accepte de nous fournir une lettre pour le lendemain.
  • mardi 11/08 Leves a 7h, nous recuperons notre lettre a 9h, demandins une nouvelle lettre pour le visa chinois que nous decidons de faire egalement ici, puis foncons (1h30 metro + taxi) a l'ambassade ouzbeque pour deposer notre dossier accepte in extremis avant la fermeture.
  • mercredi 18/08 Apres 8 jours de traitement du dossier, 1h30 de metro+bus (nous avons compris comment marchent les bus, 20 fois moins chers que les taxis, mais peu frequents)  l'ambassade nous fait encore patienter 1h, le temps d'imprimer nos visas....ils semblent n'avoir rie  fait pendant ce delai de 8 jours sans doute arbiyraire:  un hollandais muni d"une lettre d' invitation aura son visa en 24h.
Munis du visa ouzbeque, nous filons a l'ambassade turkmene situee a proximite en compagnie de Romain, un cyclovoyageur de Chambery rejoignant le japon (3km => 45 minutes en voiture). Si l'ambassade ouzbeque presente un semblant d'organisation (la queue est materialisee par une liste a laquelle chacun ajoute son nom en arrivant, on passe a tour de role un portail electrique qui conduit a un guichet), celle du Turkmenistan nous donne un avant gout amer du chaos de cette autocratie post sovietique: un mur de beton flanque de trois marches qui permettent de s'elever jusqu'a  une minuscule fenetre separe les deux univers: d'un cote c'est la cohue, les deux heures d'ouverture n'offrant de chance de reussite qu'aux plus decides. La bataille pour le controle des trois marches est impitoyable. Les professionnels des agences, recrutes d'abord pour leur masse corporelle, attaquent en bandes, verrouillant a trois l'acces aux marches tandis que leurs collegues font passer de derriere des liasses de 20 dossiers a la fois. A l'interieur, dans un calme administratif, un fonctionnaire irrascible remplit avec application d'interminables formulaires a la main, s'interrompant parfois pour taper sur une calculatrice de mysterieuses operations (pour un visa?). Parfois il s'approche de la fenetre pour un nouveau dossier, parfois le volet de bois s'abat comme un couperet signalant la fin des audiences.
Trois jours seront necessaires pour faire accepter notre dossier:
  • la premiere fois (18/08), le volet se ferme car il nous manque une partie des documents: nous preparons notre dossier ainsi que celui du visa chiniois jusqu'a  minuit.
  • jeudi 19/08 Nous tentons le coup double: deposer les dossiers pour le Turkmenistan et la Chine. Leves a 6:30, nous nous separons pour gagner du temps: tandis que Marlene file a l'ambassade francaise recuperer la lettre de recommandation, Olivier ("je" dans la suite) rejoint celle du Turkmenistan pour tenter de faire passer le dossier. Mais le chauffeur de bus oublie de me prevenir, je dois donc prendre.un bus dans le sens contraire et arrive apres deux heures de.trajet...La cohue est en place, mais bien decide, je parviens a faire passer le dossier au bout d'une heure, alors que Marlene est arrivee: la photocopie du visa ouzbeque (en noir et blanc) doit etre en couleurs. Nous courons chez le premier buraliste a 1km de la, et revenons essouffles et en nage. 2 minutes avant la fermeture, nos dossiers atteignent la fenetre: la photocopie du passeport de Marlene est refusee, une lettre du deuxieme prenom etant cachee par une meche de cheveux de la photo en filigrane. Nous protestons que ce n'est pas la qualite de la photocopie qui est en cause mais bien le passeport biometrique, justement fait pour empecher les copies. Le secretaire nous repond avec mauvaise humeur que nous n'avons qu'a faire un nouveau passeport avant de fermer son volet.Une heure plus tard notre dossier est refuse a l'ambassade de Chine ou nous avons couru avant la fermeture: le formulaire doit etre rempli a l'ordinateur...Et nous rentrons a 14h chez nous depites et maudissant le Turkmenistan et sa bureaucratie presbyte et xenophobe.
  • Dimanche 24/08 Apres les deux jours de fermeture hebdomadaire (ici vendredi et samedi) nous repartons a l'attaque,.munis de plusieurs photocopies couleur plus ou moins sombres du passeport de Marlene. Aujourd'hui, la cohue est dense et la tension plus forte. Nous bataillons deux heures avant d'atteindre la fenetre. Nous observons avec anxiete le fonctionnaire plisser les yeux en  eloignant puis rapprochant la copie. Il nous signifie alors que nous pourrons recuperer notte visa a Mashad dans 7 jours "inchallah". Sentant la fin de l'entretien, un gros agent bouscule Olivier pour prendre sa place et le projette en bas des marches. Le ton monte, son collegue (un colosse) s'interpose et nous nous disputons chacun dans sa langue pendant qu'un troisieme profite de la breche pour faire passer son dossier... Nous nous souviendrons de cette ambassade! (2)
  • Lundi premier septembre - Consulat du Turkmenistan de Mashad (Est de l'Iran): Il faut de nouveau remplir le meme formulaire qu'a teheran, donner une nouvelle photo (mais que font ils de toutes ces photos?!). 
Quatre heures plus tard et apres 13 jours de bataille et 110 dollards, nous recuperons enfin le visa de transit nous autorisant a sejourner... 5 jours au Turkmenistan!


(1) Initialement ecrit a la sortie de l'Iran, le texte devait partir du Turkmenistan, mais dans ce dernier pays plus que controle, internet est carrement inaccessible au commun des mortels...
(2) Par comparaison, l'Ambassade de Chine: passe un portique,  on penetre dans une salle d'attente climatisee avec 3 guichets. Apres 5 minutes d'attente, une hotesse affable enregistre sur son ordinateur notre dossier. Le tout est regle en 10 minutes et nous reviendrons cherche notre visa 4 jours plus tard: l'hotesse nous aura obtenu 3 mois de visa alors que n'en avions demande qu'un...