lundi 20 avril 2015

Au pays du matin frais

Nouveau pays

Nous voici en Corée du sud, 13eme economie mondiale abritant 50 millions d‘habitants, dont 10 vivent dans la capitale. Malgre sa reussite economique, ce pays continue de vivre le drame de la separation du peuple coreen en deux pays rivaux, consequence de la seconde guerre mondiale qui n'est pas pres de s'arranger (1).
  
Debarques de Malaisie en Corée, quelques changements subtils se font sentir pour nous:
-la temperature a chute de 20°C et il pleut
-le prix de la nourriture et du logement ont ete multiplies par un facteur 4

Ces constats réalisés, nous devons rompre avec notre habitude de dejeuner au restaurant et consommons alors a l‘abri d‘un arret de bus une soupe de nouilles instantanées, la premiere d‘une longue série... Comme seul le consulat de Seoul delivre des visas russes touristiques, nous nous engouffrons dans le premier train quitter le port de Pusan et rejoindre la capitale en 5 heures (2). 


Le prix de la nourriture nous conduit a un repli culinaire: la soupe de nouilles!
Remontage du tandem dans la gare de Seoul
Un palais a Seoul sous les premiers beaux jours.

Seoul

Malgré sa demesure et les flots de voitures qui circulent entre des tours futuristes ou s‘accrochent des ecrans géants papillotants, cette ville dégage une certaine sérénité. La visite du chateau impérial nous plonge dans une ambiance envoutante: sont-ce ces maisons a toits recourbes si chinoises au milieu des cèdres qui evoquent en nous les images d‘un lointain orient fantasmé, ou tout simplement la douceur des premiers rayons de soleil dans l‘air encore froid et les cerisiers en fleurs qui nous font a nouveau gouter ce delicieux renouveau du printemps, et qui signale le retour dans des climats tempérés? 

Sortis de nos reveries, nous rejoignons le consulat de Russie pour lancer notre demande de visa. Nous profitons de la semaine de procédure pour quitter la capitale et partir nous degourdir les jambes en direction de la cote est -apres 18 jours de bateau, nous commencons a rouiller! La ville est sillonnee de pistes cyclables construites le long du Han, son fleuve, et de ses affluents. Sous chaque pont s‘affaire un réparateur de crevaisons tandis que des curieux s‘essayent a la gymnastique sur les innombrables équipements sportifs municipaux. Sur ces artères vertes circule un flux bariole de cyclistes ou marcheurs en vêtements techniques qui profite des premiers beaux jours. Detail amusant: a l‘instar des allemands, les coréens manifestent une véritable passion pour le beau matériel, se surequipant qui de pantalons respirants, qui de vestes deperlantes ou de chapeaux flexibles pour la moindre sortie urbaine. Le long de la route nous croisons une quantité surprenante de magasins de vêtements sportifs.


Les premieres fleurs suscitent un enthousiasme manifeste parmi les seoulais!   
Centre de Seoul, un guerrier legendaire veille sur les ecrans publicitaires geants
Piste cyclable dans Seoul  le long du Han.
Nous suivons une piste cyclable durant 250 km en direction du nord est, qui nous fait traverser des paysages agricoles etonnamment deserts. La totalité des cafes qui ouvrent sur la piste sont encore fermes, les villages silencieux semblent encore pris dans l‘engourdissement de l‘hiver, nous croisons peu de monde et commencons a nous ennuyer de ce pedalage froid et solitaire. 
Un soir, alors que la pluie (re)commence a tomber, nous quittons la route pour demander un coin de jardin ou planter la tente. Un couple a l‘air avenant nous invite aussitot a nous abriter dans sa boutique ou ils nous proposent de passer la nuit. M. et Mme Jung (les coréens se font appeler par leur nom de famille) qui exerçaient lui en tant que directeur d‘une entreprise de travaux publics, elle en tant que professeur d‘economie, se sont recemment retires de Seoul et reconvertis pour la retraite dans la culture et le commerce du ginseng, activite dont la region est specialiste (3). 
Ce couple adorable nous temoignera une gentillesse et une generosite inoubliables: pretextant un temps trop maussade pour nous garder un jour de plus, ils seront aux petits soins durant notre sejour. Ils nous emmeneront notamment dans des bains traditionnels, puis au bord de la mer de l'est (on ne dit pas "la mer du Japon" ici!) et nous feront decouvrir le meilleur de la gastronomie coreenne. 

Guardiens en entree de village
Diner festif en compagnie de nos hotes M. et Mme Young.
Les nombreux plats d'herbes grillees ou marinees offrent une diversite de saveurs surprenante 

Visite du Jjimjilbang

Les bains coreens, appeles Jjimjilbang, sont des etablissements thermaux constitues de deux ailes separant hommes et femmes, rejointes par des salles de repos communes. Dans chaque aile on trouve des bains a differentes temperatures (du tres chaud au tres froid) et des douches assises consacrees aux soins corporels. Dans la salle commune, on se promene en pyjama (orange pour les hommes et vert pour les femmes) entre saunas, et salles de repos dans lesquelles on s'etend a meme un sol de carrelage chauffe. Ces etablissements etant ouverts toute la nuit, il est possible d'y rester dormir pour un prix finalement inferieur a un hotel.

Quand l'heure du depart arrive, nous nous quittons avec emotion, mais aussi avec plusieurs kilos de victuailles que Mme Jung a fourre dans nos sacoches, dont diverses preparations a base de ginseng censee fortifier nos mollets! 
 
La fete du cerisier en fleur a Sokcho (cote Est)
Une des activites favorites que nous observons : le ramassage d'herbes medicinales. 
Sortant du consulat de russie avec -enfin!- nos visas.

Chars et fantassins sans fanfare

La route du retour passe a proximite de la frontiere nord coreenne, separee du sud par une zone demilitarisee de 4km de large. Alors que nous pedalons, des forts mouvements militaires attirent notre attention: nous croisons d'abord des vehicules blindes, chars, camion emplis de soldats. Puis des groupes camoufles et lourdement armes postes aux endroits les plus inattendus: ici dans un fosse, la sur le toit d'une station service, la encore surgissant d'un bosquet en pleine ville. Bien que ce deploiement n'ait ete qu'un exercice, il donnait un apercu marquant des tensions qui peuplent le quotidien du pays.


Rue animee de Seoul et livreurs de paniers repas.
Le passage des 15000km a Busan, juste avant de quitter la Coree.
une publicite pour du soju, le sake coreen.

Arrives a Seoul, nous sommes recus par David et Emily, membres du reseau cycliste "warmshowers" et professeurs dans une ecole internationale, qui nous permettrons  d'entrer brievement dans le cercle des expatries anglophones de Seoul. Leur accueil concluera en beaute une escapade coreenne courte mais riche en rencontres. Fleur de cerisier sur le gateau, nous recevrons le lendemain nos visas russes et pourrons nous embarquer vers le Japon a bord du Camellia...


(1) Notamment: rupture des relations economiques par la Coree du sud depuis 2010 et du pacte de non agression par la Coree du nord en 2013.
(2) Comme d'habitude, l'embarquement du tandem dans le train donne lieu a un premier refus categorique, suivi d'une longue serie de negociations/supplications qui aboutissent positivement!
(3) Cette plante produit une racine qui met 4 a 7 ans a parvenir a maturite. Elle est cultivee pour ses propriétés medicinales et se vend a prix d‘or.  " Il arrive régulièrement qu'en Corée un promeneur chanceux découvre un ginseng sauvage. Le rhizome sera alors vendu aux enchères, à des prix inimaginables." (wikipedia).

jeudi 9 avril 2015

Mille huit cents lieues sur le Pacifique

Depart de Kuala Lumpur

Le samedi 14/03 nous montons a bord du Musca, porte containers de la compagnie française CMA-CGM. Parti un mois plus tot du Havre, ce géant des mers rejoint la Corée en 40 jours en passant par le canal de Suez et le detroit de Malacca, chargeant et dechargeant ses marchandises dans les ports d‘Europe et d‘Asie en une navigation circulaire sans trêve.
L‘equipage se compose d‘une trentaine de personnes: matelots, huileurs, mécaniciens, un chef cuistot, deux stewarts et une dizaine d‘officiers. Afin d‘assurer le bon fonctionnement de l‘équipage, les nationalités sont homogènes: ici, les officiers sont en majorité croates et les autres philippins, a part trois indiens et un chinois. La langue officielle est l‘anglais mais avec une telle configuration, les langues d‘origine prédominent lors des conversations a table, laissant de côté deux pauvres officiers: un ukrainien qui mange en silence et un philippin qui a rejoint la salle des matelots.
L‘équipage est renouvelé au fil des escales et des contrats de travail: quatre mois pour les officiers et neuf pour les autres. Les contrats sont parfois prolongés, si bien que certains matelots travaillent à bord depuis plus d‘un an sans arret!

Vue depuis le navire sur Port Kelang (Malaisie) et le ballet incessant des containers. 
Les manoeuvres portuaires sont realisees par des pousseurs/remorqueurs puissants 
Le MUSCA quelque part en mer de Chine.

Dans le MUSCA:

L‘essentiel du volume est consacré aux marchandises, le reste de la coque étant  occupé par une titanesque salle des machines. L‘espace habitable est concentré dans une tour étroite s‘élevant au dessus de la coque sur une hauteur de 8 étages terminée par le pont, ou salle de pilotage rassemblant les instruments indispensables a la navigation:  observation, orientation, communication et surtout machine à café.

Le prix exorbitant du billet nous offre quelques privilèges, comme la possibilité d‘emporter chacun 100 kg d‘affaires (en comptant le tandem, nous en atteignons a peine le quart), le droit a la cabine du propriétaire de 25 mètres carrés dans laquelle nous pourrions faire tenir 4 tentes et enfin de manger dans la salle des officiers avec vin, baguette et service de 6 couverts a tous les repas.


Sur le pont: lors des arrivees dans les ports, les officiers sortent les uniformes pour recevoir le pilote.
La table des passagers: difficile d'utiliser le rechaud a bois pour rechauffer un plat!
Decouverte de notre cabine d'apparat (photo prise depuis les canapes du salon).

Nous savourons chaque plat avec application, les repas composant une partie importante de nos activités. En effet, point de casino, bal masqué ou spectacle de magie à bord. La vocation du navire est le transport de marchandises: une table de ping pong et une salle de repos comprenant un lecteur dvd et quelques livres constituent les seuls loisirs proposés (2). Heureusement, les quelques arrets aux ports (non nous n'avons pas pris l'avion) permettent de se degourdir les jambes le temps des manoeuvres de dechargement /chargement. Nous visitons ainsi une nouvelle fois Singapour, puis Tianjin en Chine.

"Singapour is a fine city" nous declare mysterieusement le capitaine avant d'arriver. 
Dans le metro de Singapour.
Symetrique de la photo des cargos prise depuis Marina Bay (voir article sur singapour) 
Une routine se met rapidement en place, rythmee par les trois repas quotidiens pris a heures fixes: outre notre progression fulgurante en ping-pong et notre apprentissage du Coreen, nous passons du temps a decouvrir le quotidien des marins: en cuisine, le chef cuistot nous montre ses recettes-nous n'avons helas pas l'autorisation de l'aider- sur le pont, les officiers de quart de surveillance (1) nous expliquent les difficultes du pilotage d'un tel batiment. Nous beneficions meme d'une visite guidee par l'ingenieur en chef de la salle des machines, antre demesure abritant un monstre assourdissant de 12 cylindres totalisant une puissance de 70 MW (3). Mais le clou du voyage restera les soirees karaoke des philippins (et indiens) au cours desquelles nous chantons du Frank Sinatra sur fond de videos des annees 80. Si bien que, par la magie de la routine, les journees s'enchainent a une vitesse surprenante!


En cuisine, le chef realise un premier essai de creme chantilly en pestant sur ses conditions de travail.
Grosse ambiance dans la salle karaoke!
Sur le pont, dans le detroit de Taiwan, Marlene fait le point de notre position.
Marlene celebre a bord ses 34 ans. Le cuistot nous prepare pour l'occasion un curry de poulet et un gateau au chocolat. 

Visite de Tianjin

Pas de doute, nous sommes en Chine!
Les berges pietonnes font de Tianjin une ville calme et agreable, bien loin du fracas embrume des autres villes chinoises traversees.
Loupios n'est pas le seul animal voyageur a raconter ses aventures...

Arrivee a Busan, Coree 

Apres 16 jours de navigation, nous entrons enfin dans le port de Busan, en Coree du sud. De la, le Musca rebroussera chemin vers Shanghai, tandis que le train nous emmene vers la capitale, Seoul, ou nous devons realiser notre demande de visa pour la Russie. Nous faisons nos adieux a l'equipage, le cuistot nous confie ses meilleures recettes et apres quelques photos souvenirs, nous prenons pied sur la terre de Coree. Le froid est mordant, nous realisons alors que nous avons parcouru en 16 jours une distance qui nous aurait pris 4 mois a velo, soit un peu plus de 7000 km, et surtout sommes remontes de l'equateur jusqu'a une latitude de 34 degres.

Un minuscule intrus parmi les caisses.  
Entree spectaculaire du port de Busan
Descente du tandem par le treuil du bord.

Parcours realise entre le 14/03 et le mardi 31/03 

(1) Chaque officier doit realiser une astreinte quotidienne de surveillance sur le pont de 4 heures toutes les 12 heures. Ce travail consiste essentiellement au controle du cap et de la position en tracant sur le carte ou des ecrans radar pour effectuer si necessaire les manoeuvres d'evitement des bateaux de peche ou navires croisant notre route. Des fax nous informent regulierement des actes de piratages, particulierement frequents dans le detroit de Malacca.
(2) Quelle ne fut pas notre deception lorsque nous decouvrimes que la bibliotheque tant esperee ne contenait que des notices techniques des appareils du navire!
(3) Voir la page du loup pour les photos et plus d'informations techniques!