mercredi 11 février 2015

De l'isthme de Kra au detroit de Malacca


Cap au sud

Sortis de notre semaine de volontariat, nous mettons cap au sud. Cette direction se maintiendra jusqu'au bout du continent asiatique: la ville-etat de Singapour situee a 1700 km de la, avec une etape a Kuala Lumpur, capitale de la Malaisie et residence du cousin d'Olivier et de sa famille. Les grandes routes thaies au faible relief nous permettent d'avancer rapidement. Nous celebrerons sur la route les 12 000 km, puis les 13 000 km. Suite au rerayonnage de la roue arriere a Bangkok, plus aucune casse ne trouble le voyage jusqu'ici, ce qui permet de refermer la malheureuse parenthese mecanique de nos rayons chinois.

Lors de la traversee du parc de Sam Roy, un groupe de macaques nous arrete. Tandis que nous les obervons, l'un d'eux s'approche rapidement et tente d'arracher violemment un sac plastique contenant deux bananes. Le reste du groupe s'approche egalement de maniere menacante et nous demarrons en trombe, poursuivis par une dizaine de macaques decides a en decoudre et que nous parviendrons a semer non sans mal. Nous notons alors dans notre journal de bord: vitesse de pointe d'un macaque: 23 km/h.

Grand evenement celebre par toute l'equipe! Une coco est sabree pour l'occasion.
Et 7 ans d'emprisonnement pour qui pense le contraire!
Habitant des parcs thais nettement plus pacifique que le macaque...

Court passage en Birmanie

Notre visa thai arrivant a expiration, nous decidons un passage en Birmanie pour le renouveler. La premiere tentative est realisee a Prachuap Khiri Khan, point d'etranglement de la Thailande qui se faufile entre la Birmanie et la mer sur une bande de 20 km de large. Les douaniers nous expliquant que le poste de frontiere est ferme aux "farangs (1)", nous devons rebrousser chemin et retenter notre chance a Ranong, situe a trois jours plus au sud. La, une "pirogue a longue queue (2)" nous fait traverser le bras de mer qui nous separe de l'isthme de Kra, constituant la pointe sud de la Birmanie, ou nous est delivre un visa birman d'une journee pour 10$. Nous y decouvrons une ambiance rappelant l'Inde, de grandes moustaches et quantite d'hommes en sarongs (3).

La densite deja importante de temples bouddhistes semble encore en augmentation au vu des chantiers. 
Pecheurs birman entre les deux pays
Port d'entree a l'extreme sud de la Birmanie
Nos quelques tentatives pour dormir dans des jardins de particuliers ou d'administrations n'ayant pas fonctionne, nous serons accueillis presque exclusivement par les monasteres bouddhistes durant notre sejour en Thailande. Leur presence reguliere le long de la route et l'accueil indefectible des moines facilite grandement notre voyage.  Nous decouvrons peu a peu la vie et les regles qui regissent ces monasteres. On jauge ainsi l'accueil qui nous est reserve en fonction du lieu offert: jardin, hall de reunion ou (marque de distinction) la piece des bouddhas en or qui s'accompagne generalement d'un savoureux repas apporte par les fideles. Nous remercions en general par une offrande au temple.
En compagnie des novices d'un monastere, devant la statue du Buddha
Pompe a essence d'un modele fruste rencontre au Laos, Cambodge ou dans les villages thais.
Les toilettes assises etant peu repandues, ce panneau en precise le fonctionnement et les risques encourus en cas de mauvaise utilisation...

L'ile de Kao Yai

A l'approche de Phuket, la Ibiza thailandaise, nous rencontrons un couple de francais sillonnant le pays sur un engin atypique: le pinot, ce tandem allemand hybride melangeant velo couche et droit. Nous decidons de les suivre sur Khao Yao Noi, ile a proximite de Phuket mais depourvue de la folie touristique de sa voisine. Installes sur la plage d'un hotel avec la condition d'y prendre le repas du soir -de delicieux currys- pour seul loyer, nous resterons 4 jours dans cet endroit paradisiaque, au milieu de ces fantastiques ilots de calcaire qui jaillissent de la mer en blocs de couleurs vives. Troquant le tandem pour sa version maritime,  nous en explorerons les contours et les fonds riches en coraux mais troubles.
Les ilots surrealistes de la baie de Krabi. Un James Bond y a meme ete tourne, c'est dire...
Un de nos meilleurs emplacements de bivouac du voyage
Des compatriotes  ayant investi dans le fameux pino allemand.

La Malaisie

Mais le temps file et notre rendez-vous a Kuala Lumpur approche plus vite que nous. Apres ces vacances dans les vacances, nous filons vers la frontiere de la Malaisie. 900 km et 7 jours nous separent de notre objectif, mais nous prevoyons de prendre le train pour accelerer. La frontiere est traversee apres 5 minutes, un tampon sur les passeports et un "selamat datang (4)" du douanier. A mesure que nous progressons vers le sud, la chaleur devient plus penible, depassant les 35 degres dans la journee et ne diminuant que peu avant le lever du jour. En outre, les temples bouddhistes ont disparu du paysage dans ce pays ou l'islam est la premiere religion, il nous faut donc revoir notre strategie d'hebergement. 

La premiere nuit, alors que nous demandons a planter la tente dans un jardin, un chinois un peu alcoolise et avec des airs de Jacky Chan  nous indique un emplacement pres d'un lotissement que nous gagnons sans trop de conviction. Nouveaux dans ce pays, nous redevenons prudents. Une mere de famille malaise nous abordera puis, au courant de nos aventures, nous apportera un delicieux curry de poisson. Des chinois suivront, se prendront en photo avec nous, puis apporterons un curry de poulet. Bientot tout le lotissement entoure notre tente, tout le monde discute en malais ou en chinois, les plats s'enchainent dans un ordre aleatoire: currys, riz, papayes, pommes, burgers, oeufs durs, etc...
Nous nous couchons le ventre rebondi dans la chaleur qui ne veut pas diminuer. Le lendemain matin, d'autres chinois nous tireront du sommeil pour nous inviter a prendre le petit dejeuner dans un cafe, puis chez eux pour nous proposer un karaoke en buvant des bieres (il est 8 heures du matin)... mais le programme charge ne nous permet pas de rester et nous prenons conges apres force remerciements.
La chaleur demande une rigueur d'hydratation intraitable nous imposant de cueillir une coco tous les jours. 
Objectif en vue!
Les premiers contacts avec les malais se revelent plutot encourageants.

Le pays des migrants

Vivant en Malaisie depuis trois generations, ces chinois expatries proviennent notamment de la forte immigration encouragee voici un siecle par les anglais cherchant une main d'oeuvre bon marche pour leurs plantations d'heveas. Nos genereux donateurs parlent entre eux en mandarin mais maitrisent le malais et certains l'anglais. Curieux, ouverts et polyglottes, ceux la temoignent d'un autre visage qu'eut peut etre un jour la Chine (5).
Pour limiter le pouvoir croissant des immigres chinois, les colons anglais firent ensuite appel a la main d'oeuvre indienne, qui constitue aujourd'hui la deuxieme minorite du pays. Les temples hindous couverts de personnages colores peuplent les bords de route a egalite avec les mosquees. Ces dernieres etant souvent fermees en soiree, nous demandons l'hospitalite dans le premiers: l'hindouisme est l'ancetre du bouddhisme apres tout. Il semble que l'accueil des voyageurs soit moins habituel, mais nous serons tout de meme invites une nuit et reveilles au lever du jour par le brahmane au son du gong.

La course a Kuala

Comme prevu nous gagnons la gare ou nous decouvrons avec stupeur que les velos sont interdits dans le train. Nous devrons mettre les bouchees doubles roulant de la nuit a la nuit et realisant notre record de distance avec 173 km en une journee. Deux jours plus tard, nous arrivons a Kuala Lumpur fourbus mais heureux d'y retrouver la famille d'Olivier: le cousin Khalil et sa famille, puis les parents qui nous rejoignent pour les vacances.

Premiere nuit dans un temple hindou.
Nous retrouvons dans les restaurants indiens (du sud) le meilleur plat du monde; les parottas!
Arrivee chez le cousin Khalil, sa femme Naoual et les trois enfants

Un habitant de la plage de Kao Yao Noi, surpris par le faisceau de la lampe frontale.

(1) Terme autrefois utilise pour designer les francais a l'epoque de l'Indochine qui sert maintenant par extension a designer tous les blancs, un peu comme pour les gringos en Amerique Centrale et du Sud.
(2) Le Ruea hang yao est une pirogue couramment utilisee en Thailande, propulsee par un moteur de voiture pose sur un axe vertical et emmanche d'un arbre de plusieurs metres qui porte l'helice. La rotation de l'ensemble permet de diriger l'embarcation.
(3) Jupe descendant en dessous du genou portee par les hommes appelee mundoo ou nungi en Inde. Au Laos, les femmes utilisent une version tubulaire pour s'y laver a l'abri des regards.
(4) Bienvenue en Malaisie!
(5) Les annees maoistes de lutte contre les elites intellectuelles et leur raffinement bourgeois ont peut etre consacre le retour en grace de la trivialite que l'on ressent maintenant dans le pays.

4 commentaires:

  1. Vos récits toujours aussi passionnants,je vois que, pour votre retour en France, vous pourrez concourir pour le tour de France, vous avez un super entrainement, mais le tour de France sera moins palpitant et moins exotique;-)

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  2. Et ça pousse et ça pousse... (j'me comprends!)

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  3. En fait en Birmanie avez vous entendu parle des tueries contre les musulmans dans la ville ou vous etiez? est-ce qu'il y a des boudhistes qui sont contre ce qui se passent en leur nom par d'autres boudhistes extremistes?! cette article date un peu mais il parait que ca continue toujours... http://www.lepoint.fr/monde/pourquoi-la-birmanie-tue-ses-musulmans-29-03-2013-1647348_24.php

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    1. Nous sommes restes trop peu de temps en Birmanie, et de plus dans le sud. Mais ces evenements sont stupefiants tant au point de vue religieux que social. Nous avons surtout ete mis au courant par des bouddhistes des actions politiques de separatistes musulmans dans le sud de la Thailande. Nous avons pourtant rencontre en Thailande un couple de birmans devenu apatride, ce qui pourrait etre lie au sujet de l'article...

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