mercredi 5 novembre 2014

la traversee du Taklamakan

Itineraire:

La route sud du Taklamakan suit un couloir d'une centaine de kilometres de large entre le desert et le plateau tibetain d'ou emergent des sommets entre 6 et 7000 metres. Le debut de la route passe meme a 200 km du K2, deuxieme plus haut sommet du monde avec ses 8611 metres.
L'itineraire prevu est long de 1500 km et se compose d'une premiere moitie assez habitee, mais sur la deuxieme les villages sont plus distants (>100km) et plus petits jusqu'a la ville de Charklik. Un internaute pretend meme qu'il s'agit de campements temporaires, ce qui peut poser des problemes d'approvisionnement en eau. Au dela, le choix est offert entre rejoindre la route nord pour Turpan, ce qui constitue un important detour, ou continuer vers l'est jusqu'a Golmud avec un col a plus de 4000 metres. Personne ne peut nous renseigner a Kashgar sur l'existence de bus quittant Charklik. En outre, l'hiver arrive et nous prevoyons d'y arriver trois semaines plus tard. Quelle sera la temperature a ce moment la a proximite du plateau tibetain? Nous nous lancons donc sans trop d'information mais en prevoyant d'aviser sur place, nous reservant la possibilite de prendre un bus ou un camion si le temps se gate...

Carte en relief du desert du Taklamakan et les routes nord et sud. Kashgar se trouve tout a gauche, Charklik tout a droite.


Kashgar-Hotan

Le 6 octobre au matin, nous quittons avec regret l'auberge du chameau et nos deux comparses allemands qui -les faibles!- prendront un train jusqu'a Xian, derniere etape de la route de la soie. Les 600 premiers km de route jusqu'a Hotan, irrigues par un chemin de fer, comportent des villages espaces d'une trentaine de km entoures de grandes exploitations agricoles. Si cette densite facilite les approvisionnements, cela n'est pas sans poser probleme pour le couchage. En effet, pour la premiere fois depuis notre depart, nos demandes de poser la tente sont systematiquement repoussees avec indifference (1) et nous devons trouver des zones inhabitees ou attendre la nuit tombee.

Les au fur et a mesure que nous nous eloignoins de Kashgar, les oigours rencontres semblent subir la mauvaise influence de leurs colons hans: outre l'hospitalite mesuree, la cordialite se fait moins spontanee. Presque lasses jusqu'ici des incessants saluts et klaxons sur la route, nous croisons maintenant voitures ou motos nous observant avec attention mais en silence et sans repondre a nos signes. Enfin, le haut niveau d'hygiene apporte par l'islam en Turquie et en Iran (notamment fontaines et savon omnipresents), quoique s'etant un peu degrade en Ouzbekistan (reapparition du papier toilette, rarefaction de l'eau), subit une chute considerable en Chine: on se lave peu les mains et sans savon, on crache a tout va, y compris sur le sol des restaurants ou les gens jettent egalement leurs dechets.(2)

Mais du sein de ces deceptions emergent quelques perles de generosites qui nous rappellent la proximite ce l'Asie Centrale et nous font oublier tout le reste: ici dans un restaurant ou nous commandons un the, un festin apparait sur la table, paye par les maries qui celebrent leur noce a cote, la un homme s'arrete au bord de la route pour m'offrir spontanement son couteau (3), la encore on nous donne des fruits ou des boissons.

Le triporteur, transport en commun du pays oigour
Nous commandons un the et un festin envahit bientot la table...
Au milieu de nulle part, un conducteur s'arrete, nous offre un melon puis disparait.

Lorsque nous parvenons a Hotan nous souhaitons faire halte apres 600km, mais d'autres difficultes commencent: les cafes internet sont interdits aux etrangers (4), de meme que la plupart des hotels pour des raisons inexpliquables. Cette regle nous vaudra dans chaque ville un calvaire systematique et une exasperation croissante pour trouver un hotel. A Cherchen, la patrone d'un hotel telephonera a la police pour confirmation, puis nous demandera de l'accompagner au commissariat. Et nous voila partis tous trois en triporteur electrique a travers la ville, Marlene sur un tabouret dans la benne, Olivier au volant a cote de la patronne (qui ne conduit pas). Mais nous essuyons un nouveau refus malgre l'insistance de cette derniere et, decourages nous irons planter la tente en sortie de ville.
a bord du triporteur electrique, en route pour le commissariat.
rencontre impromptue avec les gardiens du desert
samsas cuisant a l'interieur d'un four tandoori

Le soleil encore intense maintient la temperature autour de 20° en journee mais une brume bouche en permanence l'horizon et nous masquera les hauts sommets tibetains durant tout le trajet. A la nuit, la temperature chute parfois en dessous de zero, et nous nous precipitons dans la tente des que le soleil est couche.

Encore la police

Meme dans ces regions reculees du Djinyang, les tracasseries se poursuivent avec la police. Alors que nous empruntons une route secondaire plus courte en sortie de Khotan, un barrage nous arrete. Le probleme de ces controles est que la verification de nos passeports doit etre validee par un chef han, rarement present, ce qui allonge desagreablement l'attente. Une autre fois nous sommes plus chanceux car le chef han accompagne ses 3 collegues oigurs dans le vehicule qui s'immobilise a notre hauteur... Les premiers lisent nos identites sur le visa iranien (seule page en arabe), et nous interrogent en oigour, tandis que le chef qui n'en parle pas un mot semble perdu. "Ils sont allemands?" demande t-il en considerant nos passeports. "Et ou allez vous? -A Charklik. -c'est ou?" Hilarite generale, ses trois collegues lui expliquent que c'est la ville dans laquelle il travaille. Ah il est gratine le chef han! (5) Heureusement, ils n'insistent pas et nous laissent partir sans que la situation s'eternise.

passage du 7000eme km!
maintenance des 7000: inversion des pneus et changement des plaquettes de frein.
ces bornes nous accompagneront tout au long du trajet, de 3000 a 1500

Des mares d'eau salee

La deuxieme moitie du trajet a partir de Niya devient plus sauvage. Nous traversons d'abord une plaine marecageuse a sec couverte de longues herbes fauves. La circulation s'est tarie, nous apercevons moins d'un vehicule par heure.  Pour ajouter au cote dramatique, le bord de  route est jalonne de cadavres de beliers provenant sans doute des camions que nous croisons regulierement emplis a ras bord de ces betes et qui passent par dessus bord celles qui succombent durant la longue traversee.
Passe Cherchen, nous entamons la derniere portion de 300km, la plus sauvage et commencons a esperer. Le paysage alterne entre les dunes et de longues portions de marecages. Le deuxieme jour, alors que nous nous trouvons a court d'eau en milieu de journee, nous abattons notre derniere carte et allons puiser dans une mare... mais l'eau se revele atrocement salee. L'esprit agite nous repartons et commencons a sentir la soif nous gagner malgre le litre d'eau restant. Devant nous s'enfuit un groupe de chameaux sauvages. Apres un temps qui nous parut bien long, nous apercevons un gardien de relai de telecommunication qui nous offre un de ses bidons. Puis 100m plus loin, des employes de la voirie nous invitent dans leur camp qui abrite un improbable verger rempli de poires dont nous nous regalons. On n'est jamais seul longtemps dans le desert.

la vegetation se rarefie...
bivouac dans les dunes et soupe chauffee au bois du desert
... pour ne laisser place qu'aux seuls dunes.

Retour a la civilisation

A mesure que nous approchons de Charklik, notre destination, les buldozers chinois apparaissent, nivelant les dunes pour les remplacer par des parcelles irriguees. Au vu du nombre de peupliers plantes et aux resultats deja visibles sur la premiere moitie du parcours, le paysage de cette route va etre radicalement transforme dans les prochaines annees. Nous arrivons a Charklik apres 1500 km et 15 jours apres avoir quitte Kashgar. La, un bus de nuit nous permet de rejoindre Golmud.


tandem dans la soute du bus
les bus de nuit chinois proposent deux etages de veritables couchettes. Grand confort!
Depuis le bus apparaissent enfin les hauts sommets tant desires.
(1) Sans doute du fait l'etroite surveillance policiere, les oigurs preferent ils limiter les contacts avec etrangers?
(2) Nous decouvrons l'existence de chambres d'hotel sans douche (meme exterieure!), au sol rempli de dechets ou comprenant des toilettes jamais nettoyees,...  Du jamais vu que nous ne pensions encore moins trouver dans la deuxieme puissance economique au monde. 
(3) Un magnifique poignard oigour ouvrage dans un etui en cuir dont le port est formellement interdit par la police -est parce que c'est une arme ou parce que c'est oigour?
(4) regle stupide, les telephones avec abonnement  internet etant autorises.
(5)S'ils n'avaient pas pris l'habitude de tout renommer en mandarin, ils seraient un peu moins perdus...

Bivouac a l'abri du vent au pied d'un tepouille


5 commentaires:

  1. Ah le salaud d'automobilistes, offrir un melon de 5 kgs à des cyclistes ! Heureusement que Marlène a été forte et l'a dévoré tout cru.

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  2. coucou!
    Très content de voir encore de si belles photos! J'aime beaucoup le look chapka-lunettes-barbe.

    Bises à tous les deux
    Loïc

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  3. La corne de chevre (?) sur le guidon, c'est pour bigorner les bufles qui passent devant le tandem? Ahhh, ces amateurs de 4x4!

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  4. La moustache est travaillée : la Chine s'ouvre à Movember !

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  5. mince je viens d'écrire et ce n'est pas parti?
    quel plaisir de regarder ce blog!
    quel périple!
    vous êtes très beaux!
    gros bisou et à demain alors!!

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