vendredi 19 septembre 2014

Traversee eclair du Turkmenistan


Apres toute l'energie, le temps et l'argent depenses a Teheran (1), un visa de transit de 5 jours nous est octroye pour le Turkmenistan du 3/09 au 7/09. Nous arrivons apres une belle ascension a Bajgiran, petite ville frontaliere a 2000 m d'altitude et trouvons la frontiere fermee jusqu'au lendemain. Plus que 4 jours... Comme nous rebroussons chemin, un militaire iranien nous interpelle et demande a passer en revue nos photos (2). Visionnant a rebours, la situation devient critique lorsque nous arrivons aux cliches compromettants de Teheran: concert prive, chanteuse, femmes non voilees, contacts physiques entre personnes de sexe oppose, etc... "Turkey, Turkey", repondons-nous a son regard suspicieux. Nous en serons quittes pour effacer toutes les dernieres photos prises le jour meme.

Le lendemain, nous passons la frontiere et nous rejouissons de la belle descente qui nous attend : la capitale Ashgabat, est situee quelques 1500m  plus bas. Mais la zone entre la frontiere et la ville est interdite aux velos et nous devons enfourner a contrecoeur (et apres de longues palabres avec un militaire optu) le tandem dans un minibus.

Descente a Ashgabat en minibus. Le tandem sacrifie les 12 places du minibus. On se serait bien passe de cette descente forcee.
Les grandes avenues en carton pate d'Ashgabat. Au sommet de chaque batiment flotte le drapeau vert du Turkmenistan.
Deux fiers guerriers issus de la mythologie turkmene remaniee defendent une statue en or de Niyazov
Nous parcourons alors cette ville d’un luxe lugubre ou sont juxtaposes avec le caprice pour seule inspiration et l’ostentatoire pour seul ideal , grands immeubles immacules, statues en or de Niazov (3), fontaines monumentales parcs sans ombre sans doute copies d’une carte postale londonienne et parfaitement ridicules dans une ville ou la temperature atteint parfois 50 degres. Tout cela pourrait preter a sourire si l’arbitraire du pouvoir n’etait pas aussi omnipresent. Par exemple, le couvre feu regne a partir de 23h. Nous parcourons ces avenues 2x4 voies neuves et rectilignes gardees en chaque coin par un policier au kepi vert excessivement large fleurant bon la dictature sud americaine. L’un d’eux nous interpelle comme nous nous appretons a traverser la rue, nous indiquant le passage souterrain pour pietons (20 marches). Inenvisageable avec un tandem de 50kg, mais il ne semble pas plaisanter. La ligne blanche semblant infranchissable, il nous obligera finalement a aller faire demi tour au prochain rond point a 1km de la ! La scene se reproduira plus loin.

Reverberes londoniens, fontaines, obelisque monumental et statue du president. De l'or du marbre et des paillettes. Il manque juste les etres humains.
Une des employees au balayage permanent des rues. Les photos etant interdites dans pas mal d'endroits, nous n'avons pu saisir la robe traditionnelle...
Billets de 1, 10 et 50 manats. Pour ceux qui ne savent lire les chiffres, la longueur de la barbe renseigne sur la valeur du billet :-)

Comme nous cherchons desesperement une zone de vie (commerces, habitations,...), on nous indique le bazar principal... deporte a 8km du centre, cela ne devait pas faire assez chic. Cela nous permet quand meme d’emprunter l’autoroute etincelante, balayee en continu par des femmes en robe traditionnelle cintree. Dans le bazar, notre equipage ne passe pas inapercu et les gens nous saluent de maniere bienveillante, montrant des sourires dores. Un attroupement se cree autour du velo et nous discutons un moment: nos efforts pour apprendre le turc ne sont pas inutiles, le turkmene etant souvent assez proche pour que nous puissions nous faire comprendre (4). Par contre notre apprentissage recent de l'ecriture arabe en Iran pour le Turkmenistan est parfaitement inutile (5), tout est ecrit soit en cyrillique soit en roman! Comme nous sortons l'appareil photo, on nous fait signe avec empressement de le ranger, nous indiquant les dizaines des cameras qui surveillent le batiment. L'oeil du pouvoir est partout...


Le direct Ashgabat-Turkmenabat. Train couchette en compartiments de 6 personnes.
Arrivee a Turkmenabat au petit matin. Nous retrouvons le tandem poussiereux mais entier!
La gare de Turkmenabat, moins flambante que celle d'Ashgabat. On trouve quand meme quelques statues en or!

Fuyant cette prison doree, nous empruntons le train traverser le pays jusqu'a Turkmenabat. Il nous restera alors trois jours pour visiter la region nord tout en restant a une distance raisonnable de la frontiere. Si le billet pour ce train de nuit est derisoire -5 manats chacun, soient environ 1 euro- le tandem pose probleme. Chaque responsable de wagon nous barre l'entree et, indifferent, nous renvoie au suivant. Le jeu dure jusqu' a la locomotive, ou l'on accepte finalement de prendre le tandem pour... 200 manats! La negociation s'engage tandis que le train doit partir dans 10 minutes. Sur de son pouvoir et flairant un argent de poche facile, le machiniste se contente de rire a nos denegations: nous expliquons refuser de payer le prix de 40 personnes! Le depart sonne, nous decidons d'abandonner. Tandis que nous nous eloignons avec nos affaires, le machiniste nous rappelle, accepte notre offre de 20 manats et nous regagnons notre wagon perplexes, sans savoir si nous retrouverons le tandem a l'arrivee.

Ecolier en uniforme attendant le bus
Ecoliere en uniforme: la belle robe turkmene typique cintree.
Rencontre de Suzanna, cycliste espagnole voyageant seule en sens inverse depuis la Thailande. La zone qui mene a la frontiere est desertique.
Arrives a Turkmenabat a l'aube, nous sillonnons cette ville de taille et d'apparence beaucoup plus modestes que la capitale. Nous prenons le petit dejeuner dans un etablissement proche du bazard: le pain est une galette epaisse et ronde aplatie au centre. Le the est vert et servi dans des tasses en porcelaine: la chine approche! Plusieurs personnes nous abordent amicalement. Dans le cafe, le ton est assez critique envers le pays. L'un d'eux nous confie qu'il reve d'avoir plus d'argent pour quitter son pays et rejoindre la Suede. Tous nous conseillent de gagner au plus vite l'Ouzbekistan, "bien plus joli". Ne trouvant que des hotels chers, nous suivons leur avis et quittons Turkmenabat en debut d'apres midi pour la frontiere a une vingtaine de km de la. Nous passons la douane Turkmene apres une fouille sommaire par un militaire mefiant et irrascible des bagages, medicaments, livres et avoir encore rempli quelques formulaires en cyrillique dont le pays raffole. Cote Ouzbekistan, les formalites sont expediees en 2 minutes par un fonctionnaire souriant qui conclue par un cordial: "welcome to Uzbekistan". Realisant alors n'avoir jamais entendu cette formule au Turkmenistan, nous gagnons sans regret l'autre cote de la frontiere.

Peu apres la frontiere ouzbeque. Exercice: a quels pays appartiennent ces capitales?


(1) Voir articles precedents
(2) Nous sommes dans un tel climat de confiance que nous croyons au debut qu'il nous demande si nous avons un appareil photo pour realiser un cliche ensemble!
(3) Ancien fonctionnaire zele du regime sovietique, Niyazov semble s’etre decouvert une passion pour son image lors de son accession au trone en 1991. Voir cet article http://www.courrierinternational.com/article/2007/03/29/achgabat-la-ville-blanche
(4) Certains mots sont cependant tres differents. Exemple interessant qui traduit les influences differentes de la Turquie et du Turkmenistan, le mot train -"tren" en turc- est ici "poyuz", les russes l'ayant importe.
(5) Sur google maps, les villes turkmenes sont ecrites en arabe. Notre plan etait donc d'apprendre le turc en turquie puis l'ecriture arabe en Iran pour nous debrouiller parfaitement au Turkmenistan... Tout ne s'est pas passe aussi bien que prevu :-)

3 commentaires:

  1. Ça fait un peu froid dans le dos de voir un pays comme ça.
    Et dire que c'est Bouygues qui se fait des c... en or en réalisant ces beaux édifices !!
    Elric

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    1. Il faut bien faire marcher l'economie francaise! La France etant le troisieme plus gros exportateur d'armes au monde (apres la Russie et les US), je prefere a tout prendre ce type de prestations, stupides mais moins offensives!

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  2. Merci pour continuer a nous faire vivre vos decouvertes. C'est passionnant.
    Sinon pour les capitales, apres une etude de google map:
    Dushanbe -> Tajikistan
    Biskek -> Kyrgyzstan
    Almati -> Kazakhstan
    Mais j'en avais aucune idee :-P
    Courage les amis !

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