vendredi 12 décembre 2014

Le pays du million d'elephants


Premieres impressions:

Si l'entree en Chine fut penible, la sortie en est singulierement rapide. Cote Laos, le visa est realise en 5 moyennant 32 dollards chacun, nous n'ouvrons pas meme un sac. Passee la frontiere, la densite d'habitations et de cultures diminue radicalement pour laisser place a des collines sauvages aux allures de jungle d'ou emergent de grands arbres couverts de lianes et d'epiphytes a cote de bananiers poussant en grappes. Le long de la route, des papayers couverts de fruits, des hameaux d'habitations en bois sur pilotis ou courent des ribambelles d'enfants culs nus rappellent le Nicaragua. Mais surtout, apres deux mois en Chine, nous redecouvrons un plaisir simple: celui de rouler dans la nature en ecoutant le chant des grillons. A chaque coup de pedale qui nous eloigne des files de camions tonitruants, des mines de charbon a ciel ouvert ou des chantiers de gratte-ciel, nous savourons comme une delivrance chaque bouffee de ce nouvel air pur. Nous voici au Laos, ce petit pays d'environ 7 millions d'habitants, pourtant riche de la diversite de ses 49 differentes ethnies, chacune avec ses costumes, ses traditions et parfois sa langue propre.


La preuve que nous sommes arrives a pied par la Chine!
Premiers paysages apres la frontiere: Grandes rizieres et greniers sur pilotis
Nouveautes culinaires au marche de Luang Namta: nouilles molles de riz et boules de viande hachee geantes

Luang Namtha

Capitale de region, Luang Namtha ressemble plutot a un gros village au centre tres touristique ou des dizaines de chambres d'hotes remplissent la rue principale, chacune proposant des excursions aventure a pied , en vtt ou en canoe. Nous sommes surpris de croiser bon nombre de touristes occidentaux, espece presque absente sur notre parcours en Chine. Un cafe internet nous permet en outre de redecouvrir les possibilites de ce merveilleux outil (et envoyer le dernier article)! Enfin, nos debuts hesitants en Lao sont facilites par une pratique assez generalisee de l'anglais (1).
Attires par une offre redigee sur tableau noir, nous apprenons l'existence d'un (tres) jeune projet recherchant des volontaires pour realiser des cours d'anglais, construire une maison et planter un jardin dans un village voisin. Apres une longue discussion avec le responsable, nous decidons d'y consacrer une semaine malgre son apparence chaotique.  

Changement du troisieme rayon depuis la frontiere!
Nettoyage du filtre du captage d'eau du village, encrasse par des racines.
La riviere qui sert de salle de bain est quand meme assez fraiche!

Une semaine a Soptod

Nous rejoignons a velo le village Yao Mun  de Soptod, situe sur une piste a une vingtaine de kilometres de Luang Namtha. Au bord d'une large riviere boueuse ou jouent des enfants tous nus, une dizaine d'habitations sur pilotis aux toits de chaume ou de tole ondulee apparaissent. Des cochons noirs font la sieste sur la terre battue, chiens maigres et poules se disputent quelques dechets qui jonchent le sol. Nous apprenons la situation critique du village: depuis une dizaine d'annees, une societe chinoise a enserre le village dans une plantation d'heveas de grande envergure, obligeant les habitants a deplacer leurs champs de riz a trois heures de marche de la, ou ils doivent dormir en semaine, ce qui explique la vacuite du village. Les heveas sont en outre accuses d'avoir tari l'unique source d'eau -on nous repete que "les chinois nous ont pris l'eau"- depuis plusieurs annees les habitants (2) font la queue a la fontaine d'ou s'echappe un mince filet d'eau. Peu convaincus par les projets de construction de maison des volontaires (3), nous decidons de nous consacrer au plus urgent et, guides par quelques villageois, nous gagnons le captage d'eau situe a une demie heure de marche dans la jungle. La cause de la penurie d'eau se revele etre un tuyau brise et obstrue par des racines. Apres nettoyage et remplacement, l'eau reafflue dans le village!

La peche a ete bonne: nous ramenons en moto une parabole de 1.7m de diametre!
Etape suivante: casser les miroirs en petits morceaux, puis les arranger et les coller: une mission pour la reine des puzzles!
Premiers essais concluants. Le four parvient a enflammer du bois en quelques secondes avec a peine un tiers de la puissance!

Quelques bricolages

Nous nous consacrons ensuite a la construction d'un four a concentration solaire en recyclant un materiau largement abondant ici: l'antenne parabolique. Enfin, la decharge de Luang Namtha nous fournit les bidons necessaires a la realisation d'un rechaud a bois a double combustion: oui, la version familiale de notre bushcooker! Ces deux instruments de cuisine sont d'abord destines a diminuer la consommation de bois des volontaires successifs du projets, mais nous revons bien sur de voir ces prototypes duppliques (4)... Nous quittons en bout d'une semaine ce village fantome ou l'eau coule a nouveau mais qui n'a pas fini de lutter pour survivre.

Le rechaud a double combustion fonctionne au dela de nos attentes: c'est presque un peu chaud pour cuisiner :-)
Notre principal regime (alimentaire) depuis le Yunnan.
Cuisine traditionnelle du Laos: soupe de nouilles accompagnee de salades diverses, cuites et crues.

Du risque de dessiner ses propres routes au stylo

Nous continuons la piste vers le sud, en suivant un trait dessine au stylo sur notre carte par un habitant de Soptod. Celle-ci doit nous mener jusqu'aux bords du Mekong quelques 200 km plus bas. Nous passerons 4 jours a lutter sous un soleil de plomb sur une piste qui alterne les raidillons severes (5) et les plongees brutales que nous devalons au ralenti en zigzagant dans les cailloux. Ce regime enrichi en secousses sollicite durement nos pneus. L'avant se dechire partiellement sur une pierre et l'arriere finit par dejanter: il laisse eclater la chambre a air comme un coup de feu qui nous saisit en descente. Les fameux Schwalbe Marathon sont concus pour durer 10 000 km et nous nous en approchons... Nous esperons toutefois les faire encore durer.
Lors des quatre jours de piste, nous traverserons de nombreux villages Kmhmu, ce peuple du Laos specialise dans la vannerie. Les femmes coiffees d'un linge colore fument de longues pipes tombantes ou des cigares artisanaux bourres de tabac produit localement en tricotant des sacs de coton mailles. Lorsque nous nous y arretons, nous sommes rapidement entoures par une foule d'enfants ou d'adultes curieux qui nous observe en silence, riant lorsque Marlene leche son assiette ou qu'Olivier se frise la moustache. Puis cet itineraire insolite s'aplanit peu a peu et le goudron reapparait a notre grand soulagement. Nous atteignons la plaine du Mekong et ses habitants souriants qui accompagnent notre route de "Sabai Dee" (bonjour) joyeux.


Entree d'un village au sud de Luang Namta. Les maisons en bois sur pilotis rappellent fortement les communautes du Nicaragua.
Procession de porteuses de bois au petit matin. La piste alterne les mechants raidillons et les descentes brutales.
Vue de la suite de l'itineraire apres trois jours de piste: nous ne sommes pas encore sortis d'affaire!
(1) Par comparaison, nous avons rencontres seulement 5 personnes connaissant plus que deux mots d'anglais en 2 mois en Chine...
(2) Essentiellement les habitants restant dans le village: personnes agees et les enfants.
(3) Nous detectons le risque du projet de s' "autoalimenter" : l'essentiel des activites des volontaires commence a se tourner vers la preparation de l'arrivee de nouveaux volontaires au detriment des cours d'anglais...
(4) En Chine, des fours solaires a concentration bricoles se rencontrent regulierement...
(5) Les 1000 metres de denivelee sont quotidiennement passes au bout de 30 km.

3 commentaires:

  1. Bonjour les amis !
    Merci pour ces récits et ces photos.
    Une petite question me vient en voyant ces maisons sur pilotis au sommet de colline ... pourquoi sur pilotis ? Y a t il vraiment des cours d'eau partout nécessitant de se protéger des inondations, ou protéger les personnes et denrées de l'humidité et/ou autres prédateurs ou autre ....
    Profitez bien de votre hiver au chaud !

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    1. Nous avons eu la chance de passer pendant la saison seche, mais la saison des pluies semble detremper genereusement le sol, d'ou les constructions sur pilotis. Lors de la reparation du captage de Soptod, lorsque nous proposons de recouvrir le tuyau de terre, les villageois rient et nous conseillent d'attendre la fameuse saison des pluies pour retrouver le tuyau...
      Une autre partie des batiments, les plus en hauteur sur la photo, comporte des rondelles de bois sur les pilotis pour empecher les animaux de grimper: il s'agit de greniers pour le mais, le riz.

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  2. Vous y êtes arrivés à pied !! Je n'osais plus y croire. Et votre mélange d'aventure Indiano-MacGyveresque est tout simplement génial. Continuez bien les amis. Bisous

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